Vous croyez connaître l’aquarelle ? Vous considérez, peut-être, cette technique comme un art mineur ? Alors, vous ne connaissez pas le travail de Reine-Marie Pinchon qui allie, dans ses réalisations, la rigueur de la chimie à la liberté des émotions.
Une vie de rebondissements enrichissants
Rien ne prédestinait la jeune Reine-Marie Pinchon à devenir une aquarelliste de renom. Un père militaire qui déménage sa famille au rythme de ses affectations, une mère, peintre amateur qui ne partageait pas la pratique de son art avec sa fille. Un jour, n’y tenant plus, la petite Reine-Marie, du haut de ses huit ans, emprunte un morceau de planche et de la peinture qui trainent et reproduit le portrait d’un couvercle d’une boîte de chocolat. Sa mère, bluffée, ne cessera plus de l’encourager, ne cautionnant quand même pas son rêve de faire les Beaux-Arts : « Quand on s’appelle Reine-Marie, qu’on est fille de gendarme, on se doit de se tenir à carreau et de donner le meilleur de soi-même ». Direction une Prépa Bio et Agro dans la foulée. Excusez du peu ! Sa thèse, prémonitoire, devait être sur la couleur des fleurs ! Les hasards de la vie, la rencontre avec celui qui allait devenir son mari, font bifurquer son chemin : biologiste au Palais de la Découverte, un certificat d’écologie, un troisième cycle en gestion d’entreprise, professeur dans une école de paysagisme et la révélation de l’aquarelle au détour d’une visite, avec ses élèves, à Giverny.
« Un jour où l’on travaillait dans l’allée centrale, au milieu des arceaux, des rosiers grimpants et des capucines, une grosse averse, en inondant mon papier, a « ouvert » toutes les fleurs que j’avais dessinées ! Certains y auraient vu la catastrophe, j’y ai vu le positif. J’ai aimé cette lumière qui sortait du papier. »
Dès lors, Reine-Marie reproduit la pluie avec différents instruments, même des vaporisateurs, elle découvre le travail dans les gouttes d’eau : « L’aquarelle n’est pas du coloriage, selon la façon dont tu mets l’eau, la taille de la goutte, le rendu est différent. L’aquarelliste joue avec l’eau et la lumière et c’est de là que vient sa liberté ».
« Je ne peins pas des sujets mais des émotions »
La nature est omniprésente dans l’œuvre de Reine-Marie. Une cascade ? Elle fait tomber de l’eau sur sa feuille. Une représentation semi abstraite avec des sédimentations de fonds de ruisseau ? Elle fait danser, sédimenter les pigments. Sa formation de chimiste et sa curiosité naturelle lui confère une compréhension infinie et une connaissance technique pointue des matériaux qu’elle utilise. Les effets de cristallisation s’ajoutent aux transparences, aux superpositions, aux coulées, aux réserves, aux colorations granuleuses, aux projections, aux lavis et aux encres. Fondatrice d’un atelier d’aquarelle et d’une association de peintres à Margency, capésienne à 50 ans, membre de la fondation Taylor, médaillée à de nombreuses reprises (une boite pleine de médailles pour la joie de ses petits-enfants), même si on ne s’est pas gêné pour lui dire, au Grand Palais, qu’on n’allait quand même pas donner une médaille d’or à une aquarelle !
Aujourd’hui, Reine-Marie continue d’explorer de nouvelles voies dans ses créations et partage son art au travers d’expositions et de stages pour amener ses élèves vers ce qu’elles sont, à travers leur peinture. Elle espère que la subtilité de la peinture peut participer à la construction d’un monde meilleur en respectant les non-dits, en ne s’arrêtant pas aux apparences…
Son mantra : « L’inachevé ne signifie pas forcément l’inaccompli… » Chang Yen-Yuan
Agnès Brunel Averseng