À la recherche d’une restauratrice de faïence, j’ai eu la chance de rencontrer Séverine qui restaure, toute forme et toute époque confondues, les objets en céramique, de la porcelaine au biscuit en passant par la faïence, la terre cuite, le bois polychromé, l’albâtre, l’émail sur cuivre. Elle est également spécialisée dans la restauration de cadres de tableaux en bois sculptés dorés.
D’où vous vient cette passion pour la restauration d’objets d’art ? Comment êtes-vous arrivée à vous lancer dans ce métier ?
Avant de me reconvertir dans ce métier, j’ai exercé la profession d’ infirmière dans différents domaines (humanitaire, réanimation cardiologique, en libéral, etc.), mais j’ai toujours été attirée par les métiers manuels (peinture sur porcelaine). En 2006, j’ai décidé de me consacrer à la restauration d’objets d’art, d’abord dans un atelier parisien pendant dix ans pour me former et apprendre les bases mais aussi la perfection et la patience qui sont les maîtres mots pour une restauration de qualité. Cette expérience m’a permis de faire de belles rencontres, des opportunités se sont présentées, et c’est en 2016 que j’ai décidé de prendre mon envol et d’ouvrir mon atelier.
En quoi consiste la restauration d’objets d’art ?
La restauration en général désigne les interventions et traitements servant à rétablir un état historique donné et, par là, à améliorer la lisibilité et l’intégrité esthétique d’un objet. La restauration d’objets d’art suppose plusieurs opérations successives (une dizaine environ) qui vont du nettoyage à la couche de glacis en passant par le bouchage des fissures, les ponçages, la pose de différents vernis. La restauration de cadre de tableau commence par un nettoyage délicat, puis le recollage des parties cassées, des parties manquantes, la peinture et la pose de vernis. Pour les cadres dorés, on applique ensuite une couverte rouge avant le travail minutieux de la pose de feuilles d’or .
Autrement dit, vous redonnez vie à une œuvre d’art quelle qu’elle soit ?
Le restaurateur doit aujourd’hui masquer les interventions sans mettre en péril l’objet. Le but est de prolonger la vie d’un objet en ralentissant le processus de dégradation dû au vieillissement de sa matière ou un accident naturel survenu ou provoqué par l’homme. Il faut restituer l’essence originale de l’œuvre afin de permettre sa lecture sans commettre un faux artistique ou historique. Tout dépend de la nature de l’objet, de la matière. Ce qui est important, c’est que l’objet doit garder son intégrité artistique. Une restauration commence tout d’abord par un diagnostic. Ensuite je définis les différentes étapes à suivre. Chacune d’entre elles est validée par le client. J’ai un rôle de conseil et de guide. Qu’il s’agisse d’un objet simple ou d’une œuvre plus sophistiquée, il faut tenir compte de la relation que le client entretient avec l’objet (affective ou fonctionnelle).
Que vous apporte cette reconversion ? Quel message souhaitez-vous transmettre ?
Ce métier est une bonne école de rigueur, de patience. Il peut être comparé à celui d’un médecin, d’une infirmière car restaurer c’est soigner. Ici, il s’agit de redonner une vie à un objet quel qu’il soit. Après toutes ces années, je m’aperçois que mon travail va au-delà d’une simple réparation d’objets cassés ou altérés. Il ne s’agit pas d’effectuer uniquement un geste matériel. Chaque objet a une histoire, une relation souvent affective avec son possesseur. Il faut, dans ce cas aussi, « réparer » la peine du détenteur face à un objet détérioré qu’il aime. Et c’est ce que je m’efforce de faire. Le résultat doit comporter le moins d’imperfections possibles et donner l’illusion que l’objet n’a jamais subi de dégâts. Après toutes ces années, je ne regrette pas d’avoir fait ce choix qui m’a permis de découvrir de nouveaux savoirs et d’explorer de nouvelles relations aux autres.
Souhaitez-vous partager une histoire, une anecdote ?
Un particulier de 35 ans, passionné par les faïences de Moustier qui lui permettaient de voir « le beau » au milieu des horreurs de son quotidien professionnel, me confia son plat à la restauration. Devant le résultat, il me demanda s’il l’on pouvait « réparer » l’Homme comme j’avais « réparé » son plat.
De plus en plus de grands-parents m’apportent des objets qui leur rappellent des souvenirs qui sont chers à leur cœur, car ils souhaitent que je les « répare » avant de les donner à leurs petits-enfants à qui ils veulent transmettre de belles choses qui ne sont pas éphémères, leur crainte étant que, non restaurés, ces objets soient jetés.
Je laisse la conclusion à Alphonse de Lamartine, « Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? »
Florence Desgranges
Atelier ScF, restauration d’objets d’art, céramiques, cadres de tableau. Rue du Rocher, Paris 8e, sur RDV.