Nous avons proposé à quatre étudiantes à la Sorbonne, effectuant leur stage de fin de licence au sein de notre rédaction, de nous présenter, dans le cadre de leur travail de soumission de mémoire, des femmes pionnières d’hier et d’aujourd’hui choisies dans leurs domaines d’études. Vous découvrirez cet été, publiés dans notre rubrique Société, leurs travaux dont les choix vous surprendront peut-être… ou pas !
Marie-Hélène Cossé et Vicky Sommet
Deux Agnès, le même goût des autres
Cléo de 5 à 7, Sans toit ni loi, Les glaneurs et la glaneuse… En 2015, cinq ans avant sa disparition, Agnès Varda est la première femme à recevoir la Palme d’honneur à Cannes pour l’ensemble de sa carrière. Depuis les années 1950, la pionnière de La Nouvelle Vague occupe une place à part dans le cinéma français. De ses premiers films, profondément féministes, à son engagement officiel dans la lutte pour l’égalité des sexes en 2018, l’icône du cinéma incarne une source d’inspiration inépuisable pour toute une génération de femmes.
Un succès sans égal
Agnès Jaoui pourrait être l’une d’entre elles. Depuis les années 1980, l’actrice, scénariste et réalisatrice, a su s’imposer dans le paysage cinématographique. Tous ses films ont connu un succès immédiat. Témoins ses récompenses, elle reçoit quatre fois le César du meilleur scénario original ou adaptation, le César du meilleur film pour Le goût des autres en 2001 et le César de la meilleure actrice dans un second rôle en 1998 pour On connaît la chanson. Six prix qui font d’elle la femme la plus récompensée aux Césars. Quel est le secret de celle qui se décrit comme une « actrice qui écrit » ?
Une plume d’exception : l’identité de son art
L’écriture est viscérale pour la scénariste qui couche ses pensées sur papier depuis l’âge de 11 ans. Après sa formation au cours Florent et au théâtre des Amandiers, c’est sa rencontre artistique et amoureuse avec le râleur invétéré du cinéma français Jean-Pierre Bacri, qui va être décisive dans le grand saut vers l’écriture. Smoking / No smoking, Cuisine et dépendances, Un air de famille… la machine est lancée. C’est enfin en tant que réalisatrice qu’elle s’affirme, avec Comme une image ou encore Place publique. Sa faculté d’introspection lui offre une habilité incomparable pour saisir la sociologie des individus. Une recette qui mêle un sens de l’observation hors pair, une capacité à décrire ses contemporains, à capturer leurs travers et, enfin, beaucoup d’humour et d’intelligence.
Agnès Jaoui aurait pu prononcer cette phrase d’Agnès Varda : « Je crois qu’il faut redonner aux hommes la place qu’ils ont dans la vie des femmes, c’est-à-dire pas la première place. »
Une femme engagée pour les femmes
Comme Agnès Varda, la réalisatrice est pleinement engagée. L’actrice est membre du collectif 50/50 qui défend l’égalité des hommes et des femmes et la diversité dans le monde du cinéma. Ses choix sont tout autant révélateurs : dans Aurore, Agnès Jaoui interprète une femme de plus de 50 ans, bientôt grand-mère et pré-ménopausée, un rôle souvent occulté au cinéma. Agnès Jaoui n’a pas peur de vieillir. Durant les « Assises pour l’égalité, la parité et la diversité dans le cinéma et l’audiovisuel » tenues en novembre dernier, elle prononce un discours intime et touchant. Retraçant sa vie, elle revient sur ses fragilités et ses prises de consciences sur la condition féminine :
« Vers 16 ans au cours de théâtre où j’étais inscrite, je me suis rendue compte que pour 10 rôles d’hommes il y en avait 2 ou 3 de femmes et qui offraient peu de possibilités d’identifications. En 2020, 88% des films à la télévision française sont réalisés par des hommes, au cinéma c’est environ 76% des films selon les années. J’ai 56 ans et je ne me réjouis pas de ces chiffres. Je crois à l’influence immense des images et d’autant plus quand nous n’en avons pas forcément conscience. »
Agnès Varda résonne en Agnès Jaoui. Deux femmes qui ont secoué et secouent le cinéma français, deux femmes au destin ébouriffant de talent, deux femmes libres et engagées, deux femmes qui aiment passionnément les hommes et les femmes pour ce qu’ils sont.
Garance Agosto
Étudiante en licence à la Sorbonne
article écrit dans le cadre de son projet de mémoire en collaboration avec Mid&Plus