Iris Brey, réalisatrice, écrit : « Le regard féminin, une révolution à l’écran », Geena Davis, comédienne, produit le documentaire « Tout peut changer. Et si les femmes comptaient à Hollywood ». On assiste à une nouvelle révolution où les femmes s’imposent devant ou derrière la caméra, avec un autre regard.
La parole féminine
Pour en savoir plus sur ce milieu misogyne, Marie Agostini, réalisatrice, confirme que la situation des femmes évolue et qu’elles se battent pour que leur professionnalisme soit reconnu. « Manifester son désaccord ou sa colère, c’est bien mais ce qui m’importe, c’est au final que les choses bougent ». Marie a quitté la télévision car seule pour écrire et tourner, elle se retrouvait entourée d’hommes en salle de montage, comme si elle n’était pas capable de finaliser son projet. « En bande, ils étaient une dizaine d’hommes qui, sans même avoir été sur le terrain, avaient droit de vie et de mort sur ce que j’avais créé. Entre le Male gaze et le Female gaze, regards masculins et féminins, il faut, plutôt que de s’affronter, persuader les femmes qu’elles peuvent apporter quelque chose de nouveau au monde. »
Prendre sa place
Les projets de films ou de documentaires sont facilement acceptés quand ils sont portés par un homme. Or Marie l’affirme « Les femmes sont à la fois fines et combattives, elles savent conduire une équipe, exprimer une autorité juste, à elles de ne plus s’autocensurer et tenir une position d’ouverture. Pour un documentaire où je passe une année à suivre mon personnage, je dois être dans le désir de l’autre ». Les femmes sont souvent filmées différemment, parfois morcelées, une jambe, des fesses ou des seins, elles sont présentes dans les scènes de sexe mais en voix off, même si on perçoit un début de féminisation car on évoque aujourd’hui leur ressenti. Les jeunes femmes ne se reconnaissent pas toujours dans les héroïnes, mais filmées par une femme, l’osmose avec l’intrigue est plus forte.
Mieux raconter les femmes
Qu’importe le sexe du réalisateur, c’est difficile de raconter les femmes. « Je vois bien quand je tourne en entreprise que les femmes dans les hautes sphères adoptent les codes des hommes, sont parfois même d’une extrême violence et les hommes ne voient donc pas ce que les femmes apportent autre que leur sensibilité ou la bienveillance dégoulinante qu’on leur colle sur le front ». Pour attraper l’intimité des femmes, nous savons, comme dans le film Woman, que ce sont les femmes autour de Yann Arthus-Bertrand qui ont fait la majeure partie du travail ou les grands reporters féminins qui, sur des terrains de conflit, arrivent à recueillir des témoignages uniques.
« Plutôt que d’être dans l’opposition ou le rejet du masculin, montrons ce dont nous sommes capables d’apporter sans renoncer et sans agressivité ». Le dernier mot, celui d’un homme, le psychiatre Étienne Jalenques : « Pour ou contre, c’est toujours avec ! »
Vicky Sommet
Marie Agostini, auteur-réalisatrice de documentaires, consultante en communication et formation auprès des entreprises et des institutions.
LIRE « Le regard féminin » d’Iris Brey (Éditions de l’Olivier, février 2020)