Le Scrabble pour moi, c’était surtout pendant les vacances, posée sur un balcon, à regarder la mer ou pas, que je laissais derrière moi à la rentrée, quand trop de contemplation nuit à la contemplation. Et voilà que depuis quelques semaines, c’est devenu une véritable addiction.
À confinée, confinée lettrée
Bien sûr, je pourrais jouer avec ma fille, confinée avec moi, qui a retrouvé les vieux plateau, chevalet et lettres qui trainaient sur une étagère un peu poussiéreuse d’ailleurs (non, non, Je ne vais pas la dépoussiérer !)… Et nous avons commencé à jouer pour passer le temps mais elle me battait invariablement. Il faut dire que j’avais de très mauvais tirages (ou alors elle est tout simplement plus forte que moi). Je me suis donc mise à jouer contre un ordinateur qui répond au doux nom de Professeur IA (Intelligence Artificielle) et avec qui j’ai des relations confraternelles et qui ne risque pas de m’infecter, lui !
Un Professeur encourageant
Le Professeur m’a appris ces petits mots mystérieux qui changent tout – Wu, Taka, Dzo, Ixe, Ken (celui de Barbie ?), Quin, Würm, Nif, Teke etc…- et qui vous rapportent un maximum de points si vous savez les placer sur les cases « mot compte double ou triple » généralement situés aux extrêmes du plateau dans des endroits souvent inatteignables. Il est vrai qu’avec lui, j’ai aussi droit à quatre mots fournis qui sont censés être le meilleur mot selon mon tirage, à utiliser quand je veux et si je veux. Et lorsque je trouve les mots toute seule (si, si, souvent quand même…), le Professeur intervient et m’explique son degré de contentement : « Pourquoi pas mais voici le meilleur mot », là c’est vraiment nul, « Bien joué mais vous auriez pu faire mieux », là c’est vraiment à quelques points près, ou alors le sublimissime « Incroyable, je n’aurais pas fait mieux » qui me rend profondément heureuse.
En ces temps de confinement, je m’aperçois qu’un répit m’était finalement nécessaire, même si j’éprouve un vague sentiment de culpabilité, je prends du temps pour moi et en même temps, je révise mon subjonctif, je découvre des mots ignorés (saviez-vous que le föhn était un vent des Alpes ?). Je sais, je sais, ce dialogue avec mon ordinateur ne peut pas durer toujours, je devrais bien un jour me confronter ou plutôt parler de nouveau aux autres, mais en attendant je bataille pour trouver le meilleur mot et j’ai décidé que je ne rangerai pas mes placards… même si ma fille me menace d’appeler la police du Scrabble !
Anne-Marie Chust
UN JEU DE CRISE
Figurez-vous que le jeu de Scrabble a été conçu par un américain Alfred Mosher Butts, bon, c’est vrai on s’en fout un peu mais voilà que le cher Alfred contraint au chômage pendant la fameuse crise de 1929 lança une première version dénommée Lexico. Il galéra un peu Alfred, pourtant il s’appuya sur une analyse statistique pour calculer la répartition de ses lettres, il valorisa les lettres rares, peaufina son plateau de jeu. Son succès ne date que de 1952, sous l’impulsion d’un des propriétaires de Macy’s, qui apprit à jouer pendant ses vacances d’été. Tout cela pour vous dire que déjà crise de 1929, vacances, ce jeu fût inventé pendant ou pour les périodes de confinement volontaire ou pas…