Le tsunami Weinstein déferle à l’automne 2017. Parti des États-Unis il essaime partout spontanément et massivement. À ce jour, 4,6 millions de femmes ont partagé le hashtag #MeToo. Pour ou contre ?
MeToo, synonyme de libération de la parole
par Marie-Hélène Cossé
« Nous vivons dans une société globalisée qui, rigoriste ou libérale, religieuse ou non, musulmane, juive, chrétienne ou autre, met les femmes en danger. » Laure Murat
Si l’ampleur du mouvement a surpris, aucune femme en revanche ne l’a vraiment été par ce qui a été révélé. Chacune d’entre nous sait depuis l’enfance qu’elle peut être en danger sexuellement. Nombre de femmes qui s’étaient tues jusqu’alors se sont senties légitimées, ont décidé de parler et d’aller jusqu’au bout, soit parce qu’elles ont subi des violences, soit qu’elles en ont été les témoins. Les femmes savent que les remarques déplacées et les blagues graveleuses entendues dans le milieu professionnel portent désormais un nom, le harcèlement, qu’elles n’ont plus envie d’accepter. Elles ne veulent plus entendre qu’on se met du rouge à lèvres ou qu’on se parfume pour faire craquer son homme, mais plutôt pour avoir l’air en forme ou être belle. Beaucoup d’hommes ont semblé surpris par le mouvement. S’ils savaient et se doutaient de certaines choses, ils ne voulaient pas forcément les voir. La meilleure chose qu’ils puissent faire aujourd’hui est d’écouter la parole des femmes.
Redéfinir la place des femmes, c’est aussi redéfinir celle des hommes, sachant que beaucoup d’entre eux souffrent du mythe de la virilité. La négligence de la prise en charge des agressions sexuelles est tout aussi néfaste que leur sur-judiciarisation. Si la vague #MeToo a permis de libérer la parole, le processus est toujours en cours et le chantier très long : prenons-le au sérieux !
Lire : Une révolution sexuelle ? Réflexions sur l’après-Weinstein de Laure Murat, essayiste et universitaire (Ed. Stock, septembre 2018). Le corps des femmes – La bataille de l’intime de Camille Froidevaux-Metterie (Ed. Philosophie Magazine, octobre 2018).
À l’affiche : Les chatouilles d’Andréa Bescond et Éric Métayer, Prix Un certain regard Cannes 2018. Remarquable !
#Me Too, veut-on faire des hommes nos ennemis ?
par Anne-Marie Chust
« La déferlante « Balance ton porc » semble avoir, dans un déluge charriant bon sentiments et règlements de compte, englouti notre volonté d’appréhender le réel autrement qu’au prisme du scandale. » Eugénie Bastié
N’oublions pas que le mouvement « MeToo » a été traduit en français par cet hashtag aux relents peu engageants. Que dit-il de notre société ? Si la négligence de la prise en charge des agressions sexuelles est tout aussi néfaste que leur sur-judiciarisation, qu’est-ce qu’une agression sexuelle ? Au vu des sondages, elle recouvre des faits très disparates qui commencent par le propos déplacé. Peut-on pour autant dire que l’État français est complice du « crime de masse » qu’est le viol comme on l’a entendu ? Il est permis de s’interroger. Veut-on convertir les femmes uniquement en « proies » en faisant voter des lois « consensuelles » souvent inapplicables ? Veut-on faire des hommes nos ennemis et des prédateurs pour un simple propos déplacé ? Veut-on accepter une culture de la délation qui se révèle dans un certain nombre de cas injustifiée et peut en arriver à détruire la vie des hommes, plutôt que de s’en remettre à la justice qui s’est pourtant déjà donné les moyens d’intervenir ?
Il est vrai que nous avons fait la course à la jouissance pendant les décennies 60/70, peut-être sans contrôle. Faut-il néanmoins oublier pour autant ce que les « vrais » mouvements féministes nous ont apporté ? Il s’agissait de libération de la femme dans ses fondamentaux. Avons-nous envie de tout remettre en question pour en arriver à un puritanisme anglo-saxon ? S’agit-il aujourd’hui d’aseptiser le tragique amoureux, de tomber dans la victimisation systématique, de faire des hommes des prédateurs dangereux, de retomber dans les vieilles antiennes patriarcales assimilant la femme à mère nature ?! Il nous faut redonner du sens à ce fait qui subsiste toujours, l’altérité des sexes, mais qu’on voudrait désormais priver de toute signification. Et on n’y arrivera pas en pensant que l’on vit dans une porcherie…
Lire Le porc émissaire. Terreur ou contre-révolution d’Eugénie Bastié, essayiste et journaliste au Figaro (Éditions du Cerf, septembre 2018).