Certains choisissent de s’inscrire sur les sites de rencontres à la minute qui suit une rupture amoureuse, un divorce ou un décès, d’autres préfèrent mettre leur coeur et leur corps en jachère avant de repartir (ou pas). Pour les terres, on dit que la jachère peut être courte (1 an ou 2), ou bien carrément longue (3 ou 4 ans) si la terre a besoin d’être régénérée. Pour ma part, j’ai choisi la jachère longue, régénérative et bénéfique. Chacun ses choix me direz-vous ! Poussée par l’une de mes filles, la curiosité m’a finalement amenée cet hiver à essayer ces fameux sites de rencontres dont tout le monde parle. Après un scrolling journalier de photos long et fastidieux (et surtout terriblement chronophage) qui m’a fait penser aux étals de supermarché, une balade sur la plage avec un « match », quelques échanges courtois mais dénués de sens avec d’autres, j’ai préféré continué à marcher seule*. Sauf imprévu bien sûr… puisque, comme chacun le sait, la vie aime à réserver de jolies surprises.
« Quand on marche un peu longtemps, tout devient possible. L’intensité de l’émotion qu’apporte le déploiement de l’horizon devant ses propres pas provoque la réouverture d’horizons intérieurs. Le paradoxe est qu’une fois chevillés à la contrainte de notre corps, notre esprit et notre âme sont libérés. » « Marcher, une philosophie » de Frédéric Gros (Flammarion, 2019)
Marie-Hélène Cossé
*Un aveu ? Autorisée à faire une recherche sur une tranche d’âge de 10 ans, dans mon cas donc 60-70 ans, la gente masculine proposée dans ce créneau n’était pas vraiment folichonne pour une « superactive » dans mon genre, sans parler de l’impression pesante que la plupart des hommes étaient là pour tromper leur ennui et éviter de finir seuls. Alors qu’un bon « match » ne serait-il pas quelqu’un qui apporte un « plus » à votre vie plutôt que de venir la sauver de l’ennui ? Après 20 ans passés sous la coupe de mon père et de ma mère, 40 ans occupée par un mari, les années à venir « seule » avec moi-même – doux euphémisme si l’on considère mes enfants, petits-enfants, amis, hôtes qui m’entourent – me vont très bien, sans parler du fait que vivre « seule » n’est pas une « tare » contrairement à ce que certains aimeraient vous faire croire…
LIRE : « Histoire de la solitude. De l’ermite à la célibattante » de Sabine Melchior-Bonnet aux éditions PUF (2023).
« De la solitude choisie à la solitude subie, enquête sur une « sociose » d’Adrien Broche, François Miquet, Marty et Lucia Socias (Fondation Jean Jaurès éditions, 2023).