Véronique Caillat, les mystères de l’être

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« Très jeune déjà, j’étais attirée par les histoires de crimes. Je voulais comprendre qui étaient ces individus débordés par leurs pulsions agressives ou sexuelles, au point de franchir les garde-fous que sont la loi, la morale, la peur de la sanction, la pitié… ». Ce sont là les mots d’une avocate, Véronique Caillat, qui a choisi, comme une évidence, de quitter le droit à 48 ans pour reprendre le chemin de l’université afin d’étudier la psychologie clinique et la psychopathologie et s’orienter vers une thérapie particulière, la micropsychanalyse.

Profession avocat

Rien d’étonnant à cela surtout quand elle évoque sa curiosité pour les personnes en mal d’être et les mystères insondables du cerveau humain. « J’étais fascinée par les enquêtes judiciaires qui tentaient de répondre à ces questions en dévidant le fil du scénario criminel, tout en tenant compte de l’histoire personnelle et familiale du protagoniste. Ces comportements humains mystérieux, incompréhensibles pour la raison, semblaient pourtant avoir leurs propres ressorts ». Très vite, elle exprime son désir de devenir avocate, une profession passionnante qui a conduit Véronique Caillat à écouter, pendant des années, des gens très différents, avec des problématiques nombreuses et variées. Ainsi, placée au cœur des conflits de tous ordres, elle s’est efforcée de contribuer ponctuellement à la résolution des cas qui lui étaient soumis jusqu’à se rendre compte que l’origine et la solution des différends relevaient d’autres facteurs.

Choisir sa voie pour comprendre l’homme et ses dérives

À cet effet, Véronique Caillat décide de suivre une thérapie et plus précisément une micropsychanalyse. « Cela m’a permis de comprendre qu’il était vain de vouloir affronter les conflits rationnellement car, comme l’a découvert Freud, ils relèvent du domaine psychique et en définitive de l’inconscient. Il est intéressant de noter que Freud illustre sa découverte en recourant à l’Œdipe-Roi de Sophocle, tragédie qui se déroule dès le début comme une véritable enquête policière : quelle est l’origine de la peste qui règne sur Thèbes et qui a tué le roi Laïos ? Au terme d’investigations qui échappent à son contrôle, Œdipe doit reconnaître que non seulement, il est l’assassin de Laïos, son propre père, mais aussi l’époux de Jocaste, sa propre mère ».

Un nouveau regard

Véronique Caillat a choisi cette méthode originale parce que l’être humain y est envisagé dans sa globalité psychocorporelle, dans son actualité socio-culturelle en rapport avec sa vie toute entière, notamment familiale et ancestrale. C’est une psychanalyse d’essence freudienne, fondée sur les associations libres verbalisées sur le divan au cours de « longues séances» : séances de trois heures ayant lieu au moins cinq fois par semaine. Ce cadre favorise le lâcher-prise et la description associative de son histoire jusque dans ses plus infimes détails (d’où le préfixe micro). Il permet de dépasser les résistances et de laisser peu à peu émerger les vécus, les désirs, les défenses et les émotions qui ont été mémorisés dans l’inconscient au cours de la période utero-infantile et qui continuent de se répéter tout au long de la vie à notre insu. Les séances sont ponctuellement étoffées d’appoints techniques comme l’étude minutieuse des photos depuis sa naissance, la correspondance personnelle et familiale, les dessins des lieux où l’analysé a vécu et son arbre généalogique.

Qui, par exemple, et pourquoi ?

« Une femme se plaint d’être exploitée dans sa famille, prise pour une incapable, maltraitée par ses partenaires amoureux… Au fil des séances, jour après jour, elle décrit minutieusement les moindres gestes et paroles de son quotidien et les insère peu à peu dans l’ensemble de sa vie. Les schèmes répétitifs se font de plus en plus clairs et elle en vient à prendre conscience qu’elle met tout en œuvre, sans s’en rendre compte, pour provoquer chez l’autre des comportements qui lui permettent de se poser en soumise, voire en victime… Elle comprend alors qu’elle a un rôle actif dans les relations ambivalentes avec ses proches. L’étude de ses photographies, en particulier celles d’elle enfant avec sa mère, l’amène à découvrir, par association, les origines infantiles de ce schéma répétitif. Une découverte qui lui a permis de dépasser cette répétition masochiste et de commencer de prendre sa vie en main ». En principe, une psychanalyse est continue sur de nombreuses années, mais, avec la micropsychanalyse, on peut envisager un travail par tranches de 100 à 150 heures, lesquelles sont espacées de 6 à 12 mois seulement. Une tranche de longues séances peut être déterminante pour dénouer une problématique actuelle en la remettant dans son contexte vital et donner un souffle nouveau de vie. Par exemple, lors d’une perte de travail, d’une maladie, d’une séparation, d’un deuil, ou encore lors de la crise des 50 ans cumulant ménopause, départ des enfants et entrée en présénescence.

Et Véronique elle-même ?

Le hasard a fait que nous nous sommes rencontrées lors d’un dîner chez une amie avocate. Il y avait parmi les invités un homme d’église qui venait de quitter la prêtrise pour devenir avocat et une avocate tentée par les thérapies comportementales. Habitués à entendre des confidences, chacun avait choisi sa voie, une autre voie ! Comme ce fut le cas pour Véronique Caillat qui a décidé de suivre son inclinaison pour l’analyse, et aujourd’hui, à bien y regarder, c’était le bon choix à faire ! Elle continue avec empathie à s’intéresser aux autres, que ce soit sa famille, ses amis, avec toujours un regard perçant et aiguisé mais sans vous asséner vos quatre vérités. Son exutoire, après ces longues journées d’écoute et de partages intimes, c’est l’art et les artistes : les tableaux, les sculptures, les objets de l’artisanat, tout l’incite à s’émerveiller devant l’expression des talents d’autrui et essayer de comprendre peut-être, au-delà de l’œuvre, le moi profond de l’artiste qui s’est exprimé, dans les musées, les expositions et pourquoi pas aux murs de son cabinet de consultation, pour laisser parfois échapper son regard au-dessus du divan quand le silence devient trop lourd ou la parole trop chargée d’émotion.

Vicky Sommet
Pierre. Codoni et al. (2007), Micropsychanalyse, Esprit du temps, Le Bousquet
Silvio Fanti (1971), Après avoir, Flammarion, Paris

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