Petite-fille de paysans auvergnats que ses parents, montés à Paris dans les années 1950, poussent à faire des études pour s’élever socialement, Éliane Rouyer-Chevalier fait sa carrière dans un milieu éminemment masculin à l’époque – la communication financière – avant de consacrer sa vie à transmettre et à former. Quelles sont les clés de sa réussite ?
Je veux en faire partie !
Les parents d’Éliane ouvrent une brasserie avenue de Saxe, près des bureaux de Jacques Borel International. Tous les matins à l’ouverture, le mythique patron de la première enseigne de restauration rapide et de restoroutes vient y prendre son petit-déjeuner. Au déjeuner, ce sont les cadres de l’entreprise qui s’y retrouvent. L’adolescente, à qui sa mère n’ayant pas fait d’études répète que « si on travaille, on s’en sort » (ce qui était vrai à l’époque…), ne perd rien de ce qui se dit au Saxe et pense : « Je veux en faire partie ! »
« Ma mère et ma grand-mère étaient issues d’une lignée de femmes fortes avec des caractères bien trempés. J’en ai hérité et mes filles aussi. »
Une belle liberté
Après ses études d’éco, Éliane, 24 ans, se fait tout naturellement embaucher à la direction financière de Jacques Borel où elle a déjà effectué des stages d’étudiante. Deux mois après son arrivée, le trésorier s’en va. On lui propose de le remplacer et elle accepte. Éliane est calme d’apparence, elle ne perd jamais les pédales et inspire confiance, capable de prendre des initiatives : belles qualités pour réussir dans un monde au masculin, où elle avoue s’être éclatée toute sa vie professionnelle avec des patrons qui l’ont laissée agir en paix.
« Je n’ai jamais eu peur, j’ai toujours eu une grande confiance en moi. Dans les grandes étapes de ma vie, j’ai toujours dit oui quitte à me débrouiller et bosser comme une dingue ensuite. »
Femmes et carrière
Éliane admet que sans la nourrice de ses enfants, elle n’aurait jamais pu élever ses deux filles et faire la carrière qu’elle a eue, voyageant chaque semaine. Elle dit avoir toujours fait le maximum dans les équipes pour faire monter les femmes, diplômées ou non. Un certain nombre d’entre elles qu’elle a poussées l’appellent toujours. Son secret ? Être là tout en les laissant libres et les encourager à aller chercher en elles les ressources insoupçonnées que chacun possède en soi. « J’ai pu être dure parfois avec celles qui ne se donnaient pas les moyens. »
L’heure est à la transmission
Éliane a fait l’essentiel de sa carrière chez Accor qui a fusionné avec JBInt en 1983 (« de merveilleuses années »). Puis le groupe se scinde et lorsqu’elle devient directeur général de la branche Edenred, il n’est plus question de liberté, tout est contrôlé, verrouillé. Elle est tiraillée entre ses valeurs, décentrée. « Mais chacun a le pouvoir de dire non », rappelle-t-elle, et elle quitte le groupe à 58 ans. Et d’ajouter : « Plus on vieillit plus on s’arrondit, moins on a de choses à démontrer. »
Aujourd’hui Éliane qui n’a pas repris de job salarié gère plein de bébés¹ centrés autour de sa dominante de communication financière. Insatiable, ses journées sont toujours aussi remplies : « Si je m’arrête, je meurs ! »
Marie-Hélène Cossé
¹Quelques clients, de la formation à Dauphine, au Cliff, à la Banque Mondiale, Éliane a surtout co-fondé Time2Start en 2014 pour favoriser la réussite entrepreunariale dans les quartiers populaires (170 porteurs de projets ont été formés à ce jour).
La question Mid&Plus
Votre rituel du matin ?« Incapable de me lever quand le réveil sonne, je commence par passer 3/4 d’heure à écouter la radio pour prendre le pouls de l’actualité. Je ne suis pas sportive du tout ! Parmi les choses qui comptent pour moi : l’élégance, du corps et de l’âme, le sens de l’esthétique. Je me suis sentie très bien à tous mes âges. »