Portrait d’une artiste qui possède le secret de tenir la vie en suspens, loin au-dessus de ce parterre de certitudes où gisent des fleurs artificielles que l’on voudrait nous faire prendre pour éternelles. Anne Mounic, poétesse, écrivain, critique littéraire, universitaire, peintre, sans compromis, tout entière livrée à l’art, nous offre une œuvre étonnante.
Parler de l’intime vérité
On reconnait dans certains écrits, dans des tracés que des femmes, surtout, ne craignent pas de ravir à l’invisible, l’authentique de l’inachèvement. Écrire, comme s’aventurer dans l’infini. Dans cet espace affranchi, – qui ne se consomme pas, ne s’achète pas, ne se dissout pas dans un récit définitif, – le dialogue entre le narrateur et le lecteur peut se mouvoir en secret jusqu’au merveilleux. Les poétesses qui ont su tenir le verbe entre l’enfance et l’éternité ont pris le risque, certaines, de tomber. D’autres de tenir face au vertige, leurs mains en offrande.
« Le passé est un puits sans fond. La chute, si l’on s’y complaît comme dans l’abîme jamais ne peut s’interrompre. L’avenir nous veut légers, tant que nous possédons la force de le susciter. » Conscience nomade
Anne Mounic a écrit presque quarante recueils de poésies, plus de dix romans et récits poétiques, elle travaille aussi la gravure, peint, gouaches et pastels ; véritables voyages de l’intime à l’instant, du récit à la mémoire qui nous construit avec, voire vainement, contre l’immuable tic-tac du temps. Il ne faut pas avoir froid aux yeux pour oser écrire ou peindre comme elle le fait, en défiant chaque mot, chaque équilibre face à son irrésistible désir d’inertie, pour décomposer l’amour sans le panache grandiose de la tragédie ou des fanfreluches à l’eau de rose – pour parler de l’intime vérité.
Son dernier roman
Une femme y rêve de son personnage qui dérive dans l’incompréhension d’une rupture amoureuse. Elle l’imagine dans son être flottant, avançant dans ce murmure souterrain qu’est devenu sa vie, happé dans la collectivité humaine à laquelle soudain il fait face, en miroir brisé. La Vérité, suivi de Vive esquive du rien, utopie de l’étreinte¹, ne ressemble à aucun récit coutumier, outre ceux que l’on se raconte en « cachette », pour frôler qui l’on est à chaque éclat de l’instant. Car,
« Telle est la vocation de toute forme d’art, rédemption de la vie dans le meilleur que peut l’esprit, pourvu qu’il y acquiesce pleinement, à la vie, en dépit de toutes ses imperfections. »
L’amie de Claude Vigée
En 2003, Anne Mounic rencontre pour la première fois Claude Vigée, à qui elle avait envoyé l’un de ses livres critiques. Elle deviendra à la fois une « confidente poétique », une amie, puis la Présidente de l’Association des Amis de l’Oeuvre de Claude Vigée, pour lequel est éditée la Revue Peut-être qui se consacre à la publication et la connaissance de l’œuvre du poète. L’amour comme la poésie, dit Anne Mounic, requiert une attention sans cesse disponible, mais surtout une conscience courageuse.
« Nul d’entre nous n’est superflu. Nul n’a vocation à s’effacer. »
Avec une patience attentive, Anne Mounic saisit, par la gravure, la couleur, les mots, au rythme des signes, la résonance de l’existence de soi à l’autre, de l’autre à ce monde imparfait. La résonance suffisante qui fait de cette vie, paradoxale, une œuvre.
Daniella Pinkstein
écrivaine, philologue, spécialiste des minorités en Europe centrale,
auteure de Que cherchent-ils au Ciel, tous ces aveugles aux Editions M.E.O (2015)
¹La Vérité, suivi de Vive esquive du rien, utopie de l’étreinte d’Anne Mounic, Éditions Feuilles, 2019