« Paco Rabanne avait un grain de folie qui a fait faire un pas de géant à la mode » dit Sophie Fontanel de celui qui s’est éteint le 3 février dernier à l’âge de 88 ans, connu pour ses silhouettes futuristes. Il est impensable de rendre hommage à Paco Rabanne sans évoquer son influence considérable sur la mode des années 60, celle qu’il décrivait alors comme « s’enlisant dans un immobilisme consternant ».
« Soyez audacieux comme nous l’avons été avec Pierre Cardin, Saint Laurent ou Courrèges. Osez toujours et encore. Étonnez-nous ! Défrichez sans cesse. Pour percer et s’imposer on n’a pas le droit de copier. » Paco Rabanne
Une mode ludique pour une femme plus libre
À la fin des années 50, l’univers de la mode c’est en effet quelques maisons de haute-couture élitistes et classieuses : les femmes sont apprêtées, les vêtements conformistes, les longueurs convenables, la silhouette corsetée et les matières traditionnelles. S’affranchissant de ces codes couture stricts, quatre légendes de la mode, André Courrèges, Pierre Cardin, Yves Saint Laurent et Paco Rabanne vont faire une véritable révolution. Ils imaginent une mode ludique pour une femme plus libre, un femme plus androgyne : le vêtement échappe aux conventions, la taille est dissimulée et les jambes dévoilées. André Courrèges va inventer la mini-jupe, les bottes plates, les robes trapèzes et ses iconiques blousons en vinyle. Le blanc est omniprésent dans ses collections. Rêvant de futur et inspiré par la conquête de l’espace, Pierre Cardin crée des robes géométriques dans des matériaux inédits. Yves Saint Laurent, dans un registre moins radical, va éblouir le monde entier avec l’iconique robe Mondrian, courte et droite, à l’imprimé moderniste. En 1966, son smoking féminin, sans doute trop novateur, est boudé par la clientèle haute couture : il n’en vendra qu’un ! Depuis, devenu un classique de la maison, il a été décliné plus de 230 fois.
Le métallurgiste de la mode
Paco Rabanne, quant à lui, a marqué les esprits et l’histoire de la mode avec un style avant-gardiste et un savoir-faire novateur. En 1966, il présente sa première collection qu’il baptise avec humour : « 12 robes importables en matériaux contemporains ». Le ton est donné. Ses mannequins défilent pieds nus sur une musique de Pierre Boulez, ses robes sont fabriquées en métal, en rhodoïd ou en sequins. Pas de fil, pas d’aiguille, mais des pinces, des anneaux et des rivets. Coco Chanel le surnomme « le métallurgiste de la mode ». Son excentricité fascine et ses silhouettes futuristes vont séduire quelques célébrités filiformes des années 70, Amanda Lear, Brigitte Bardot ou Françoise Hardy, inoubliable dans une mini-robe confectionnée à partir de plaques d’or incrustées de diamants (une robe estimée à plus de 10 millions de dollars !).
Le retour de la griffe
Personnage atypique en marge du tapage de la planète mode, Paco Rabanne se retire des podiums à partir de 1999. La seconde partie de sa carrière est consacrée, avec succès, aux parfums. Cependant, son goût marqué pour l’ésotérisme, quelques prises de paroles farfelues et autres prédictions apocalyptiques ternissent un peu son image. Aujourd’hui, la maison de mode perdure avec succès. Depuis 2013, elle est admirablement dirigée par le designer Julien Dossena. C’est un réel défi de reprendre la direction artistique d’une maison de mode : il faut, avec intelligence et sensibilité, savoir respecter l’héritage créatif du fondateur tout en insufflant une touche de modernité, s’inspirer des archives sans jamais copier, ni céder à la facilité.
En maîtrisant cet exercice subtil, Julien Dossena a remis la griffe Paco Rabanne au cœur de la planète mode, créant des collections parmi les plus attendues des Fashion Weeks. Une belle renaissance !
Véronique de Labarre
Créatrice du site d’accessoires de mode en ligne Tipthara
de retour le 30 mars dans la Eboutique Mid&Plus (-20% pour les lectrices Mid&Plus)