Fashion Week ou l’art du spectacle

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Mode, stylistes, défilés, surenchère de street styles, les Fashion Week sont attendues. New York ouvre le bal puis Londres,  Milan et enfin, Paris. Certains défilés ont marqué durablement l’histoire de la mode, épousant les formes et les ambitions de la performance artistique parfois jusque dans la provocation et la transgression.

Quand le défilé devient spectacle

Au début du 20e siècle, le couturier Worth est le premier à inviter ses clientes dans son l’atelier pour assister à l’aller-retour des mannequins. Mais c’est à la couturière anglaise, Lucy Duff Gordon, que l’on doit la théâtralisation de l’événement. Apparaissent alors les premiers défilés spectacles où les mannequins prennent des poses. Progressivement, danse, musique, performances artistiques s’enchainent. Coco Chanel invente la démarche des podiums : hanches en avant, une main glissée dans la poche et l’autre en mouvement. Schiaparelli instille l’extravagance dans de joyeux défilés à thèmes. Dior lance le « New Look » en 1947 lors du défilé le plus célèbre de son histoire et annonce le retour à une féminité triomphante. Les Fashion Show sont en vogue, les vêtements sont importables, mais le public est enchanté !

Du spectacle au grand spectacle

La mode spectacle, on la doit aux créateurs japonais arrivés sur le marché européen dans les années 80 : Comme des Garçons, Yohji Yamamoto, Issey Miyake, Kenzo. Leur créativité est renversante et les occidentaux sont tenus de rivaliser et de mettre de l’ambiance. Thierry Mugler avec son style sexy et provocant annonce l’ère de la femme conquérante des années 80. L’enfant terrible, Jean Paul Gaultier, recrute des mannequins hors norme et met en scène des Fashion Show-ballet. Christian Lacroix recrée la Belle Époque, Vivienne Westwood s’intéresse aux 17e et 18e siècles, en les combinant à d’autres époques. John Galliano multiplie les références historiques. Le Fashion Show doit être le plus spectaculaire possible et les premiers rangs sont réservés aux personnalités en vue car le spectacle est aussi dans la salle.

Et les mannequins dans tout ça

Certaines vont sortir de l’anonymat comme Inès de la Fressange, première à signer un contrat exclusif avec une maison de couture en 1983, qui sera suivie par d’autres. Mais le corps-mode correspond à un fantasme des couturiers : ils imposent à la femme des mensurations à la limite du surnaturel, et la rende malléable à volonté. Martin Margiela, opposé au star system des top-modèles, masque leurs visages. Hussein Chalayan fait défiler des jeunes filles nues, voilées par un tchador, posant ainsi la question du voile. D’autres sont davantage dans la provocation. Alexander McQueen fait appel à une athlète amputée de ses deux jambes (la beauté vient de l’intérieur) ou fait défiler ses mannequins près des flammes d’une usine sur une musique assourdissante. Autant dire qu’on est passé du spectacle à l’hystérisation ! Puis en 2017, Marc Jacobs présente une collection dans un silence de plomb. Pas de décor, pas de musique, ni jeu de lumière. Des mannequins anonymes passent entre deux allées de chaises. Un anti-spectacle !

Alors, la fin des temps ? À voir l’imagination dont continuent de faire preuve les créateurs, il est sans doute trop tôt pour l’affirmer…

Michèle Robach

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