Livre de plage, roman-piscine… qui dit lecture d’été ne signifie pas forcément sujet léger (ou sauf par son poids…). L’équipe de Mid&Plus mise pour cette saison sur un roman d’amour, une bio, un polar préhistorique, un roman comme un conte, un roman historique, un roman vérité sur un couple maudit, un premier roman lumineux, un roman aventure. À déguster sans modération !
♥ Melody de Martin Suter (Phébus, 2023)
par Vicky Sommet
C’est l’histoire étrange d’un amour infini entre un homme aujourd’hui âgé et célèbre et une femme qui a disparu alors qu’ils étaient sur le point de se marier. Pour graver sur le papier cette romance, il engage un jeune homme pour écrire son hagiographie. Et commence alors un jeu de piste entre les souvenirs et la réalité que, tel un détective, le rédacteur va devoir suivre en faisant la part du vrai et du faux. Logé et nourri, son contrat stipule qu’il doit classer les archives du maître dans une maison où le climat est oppressant. Mais si les doutes sont là, son travail bien rémunéré l’oblige à tirer les fils de cette histoire qui a bel et bien existé. Il tombera amoureux de la nièce de son employeur qui a fait de la jeune fille son héritière et, avec cet argent, ils partiront ensemble à la recherche de la femme mystérieuse pour découvrir enfin la vérité. Roman d’amour, roman d’enquête, chacun n’a-t-il pas sa version des sentiments qui ont agité leur cœur au cours de leur vie ?
♥ Marie Octave Monod, une femme libre de Brigitte Joseph-Jeanneney (Éditions du Palais, préface de Michel Winock, 2023)
par Michèle Robach
À la fin du 19è siècle, rares étaient les femmes qui passaient le baccalauréat et encore plus rares celles qui accédaient à l’université. Ce fut pourtant le cas de Marie Chavannes, épouse Monod qui se fit appeler Marie Octave Monod par fidélité pour la mémoire d’Octave, son époux adoré, collaborateur de Marie Curie. Née en 1876, d’une famille protestante de Lyon, Marie se déclare très jeune agnostique, préférant « réduire la religion protestante à une éthique ». Sa vie qui traverse les deux guerres mondiales est celle d’une militante engagée dans de nombreuses causes en faveur des femmes : lutte contre la prostitution, soutien pour l’éducation des jeunes-filles à l’université. Elle est à l’origine du Musée Clemenceau pour qui elle avait une profonde admiration, rédige une biographie de Daniel Stern, pseudonyme masculin de la Comtesse d’Agoult, qui lui vaudra un compliment d’Albert Camus à qui elle demande conseil pour une publication, alors qu’il travaillait chez Gallimard.
Le récit nous est livré par sa petite fille, Brigitte Joseph-Jeanneney, historienne, qui a choisi la forme d’une autobiographie à partir d’archives inédites : journal intime, correspondances, carnets de souvenirs, enrichissant le texte d’extraits de ces différentes sources. C’est donc la voix singulière de Marie Octave Monod que l’on entend : ses joies, ses peines, ses doutes, ses certitudes, ses angoisses aussi devant le mal d’enfants ou la mort qui est omniprésente. Brigitte Joseph-Jeanneney nous livre le récit passionnant d’une femme unique : patriote, républicaine, dreyfusarde, intellectuelle, empathique et joyeuse qui nous renvoie aux premiers jalons de l’émancipation féminine.
♥ Les doigts coupés d’Hannelore Cayre (Éditions Métailié, mars 2024)
par Christine Fleurot
Lors de la construction d’une piscine en Dordogne, une grotte aux peintures rupestres intrigantes est mise à jour : que symbolisent ces mains féminines aux phalanges coupées ? Une paléontologue plonge alors dans l’Aurignacien (35.000 ans avant notre ère) sur les traces de la jeune et révoltée Oli. S’appuyant en particulier sur les travaux de Paola Tabet, paléontologue féministe, Hannelore Cayre avec son style décapant, son ironie mordante, ose intelligemment mettre en place des dialogues d’une totale modernité dans la bouche de nos ancêtres et aborde des sujets qui malgré les millénaires sont toujours d’actualité : racisme, altérité, sexualité, violence masculine, patriarcat. Entre rigueur scientifique et folie romanesque « conjuguons donc la préhistoire au féminin » en compagnie de celle qui fût -sans doute- la première féministe, Oli sacrée pétroleuse !
♥ Les Yeux de Mona de Thomas Schlesser (Éditions Albin Michel, février 2024)
par Agnès Brunel
Que feriez-vous si votre petite fille de 10 ans était menacée de perdre la vue ? Consulter d’éminents spécialistes ? Bien sûr. Suivre une psychothérapie ? Certainement pas, à moins que le psychiatre ne se nomme le Docteur Botticelli et réside au Louvre. C’est ce que décide son grand-père bien aimé. Chaque semaine la découverte d’une œuvre exceptionnelle, du Louvre à Beaubourg en passant par Orsay. 52 œuvres en 52 semaines pour apprendre à regarder, observer, interpréter et imprimer dans ses souvenirs au cas où le paysage de Mona deviendrait noir. Ce roman s’adresse à « Tous les grands-parents du monde », mais pas seulement. Il est à la fois, une tendre peinture de l’amour entre un grand-père et sa petite fille adorée et une merveilleuse étude de tant de chef d’œuvres et de leurs auteurs. Chaque chapitre, correspondant à chaque artiste, a sa maxime : « Apprends à recevoir, Souris à la vie, Cultive le détachement… » et, cerise sur le gâteau, au cas où votre mémoire vous ferait défaut, les 52 chefs d’œuvres se trouvent à l’intérieur de la jaquette dépliable. À garder en livre de chevet.
♦ Va où la rivière te porte de Shelley Read (Robert Laffont, 2024)
par Anne-Claire Gagnon
La scène initiale qui ouvre le roman pourrait être française, avec ce village enseveli sous l’eau du lac, au milieu des montagnes, de la volonté-même des humains. Shelley Read nous emmène à la fois loin de tout et au cœur de la vie, ses fulgurances et déchirements, autour de l’amour et de la maternité, rien dans la vie n’étant écrit d’avance. L’intrigue qui démarre en 1940 pour s’achever après 1970 en montre toute la force, l’audace, la résilience féminine (parfois prise pour de la lâcheté alors qu’elle témoigne d’une profonde sagesse ancestrale). De quoi y puiser des forces et de l’inspiration ! Tout peut nous grandir, surtout la nature, si l’on épouse sa force et prend soin du vivant qui nous est confié, comme le fait l’héroïne avec son verger de pêches. « Mariée à son verger comme une bonne sœur des arbres ? » Une très belle âme, vivante, vibrante, une femme quoi ! Cet été, vous les savourerez autrement.
♥ L’inventaire des nuages de Franco Faggiani (mars 2024)
par Brigitte Leprince
Au cœur du Piémont, dans la région du Val Maira, résiste toujours le « Museo dei capelli Elva ». Insolite et inattendu, ce petit musée au nord-ouest de l’Italie est consacré à l’activité des caviè (ramasseurs de cheveux) qui parcouraient le pays à la recherche des plus belles chevelures destinées à la confection de perruques. Franco Faggiani nous fait entrevoir la vie d’un caviè en cheminant aux côtés de Giacomo, digne héritier d’un grand-père qui lui a transmis ce savoir-faire. Les conditions d’exercice sont difficiles car il faut marcher par tous les temps, dans des endroits isolés et peu accessibles, trouver un hébergement, apprivoiser les femmes craintives avec patience et délicatesse et enfin tirer le meilleur prix des collectes. Avec un grand souci d’authenticité, Franco Faggiani dévoile la rudesse de la vie en montagne, décrit le quotidien des habitants, perce les secrets des métiers disparus et nous transporte à une époque révolue dans cette vallée qu’il connaît et affectionne particulièrement.
♦ Carolyn et John de Stéphanie des Horts (Albin Michel, mars 2024)
par Anne-Marie Chust
J’adore Stéphanie des Horts, la petite histoire dans la grande histoire et des personnages dignes d’une tragédie grecque… et dans ce livre Carolyn Bessette et John Fitzgerald Kennedy Jr. Et pourtant ils ont tout pour eux : amour, gloire et beauté ! John, « l’homme le plus sexy de la planète », tente de trouver sa place malgré les attentes incommensurables de son entourage (de sa mère, l’iconique Jackie Kennedy Onassis en particulier) et du public concernant l’héritage de son père. Pourrait-il devenir le prochain président des États-Unis ? Et Carolyn, telle une statue antique, belle, mystérieuse et irradiante, que le monde de la mode s’arrache et qui invente même le style minimaliste¹ (régnant encore aujourd’hui du bon côté de la barrière). Deux personnalités qui attirent les regards, profondément blessées par le manque d’un père et à la recherche d’une paix qu’ils n’arrivent pas à trouver. Une histoire passionnelle, mais aussi toxique. John, plutôt bon bougre, habitué à être sous le feu des projecteurs, peine à s’imposer auprès de cette beauté ensorcelante qui ne supporte pas de vivre auprès d’une légende et des paparazzi… Un mariage secret légendaire sur une île déserte et le conte de fées qui vire au cauchemar. Carolyn et John se déchirent (surtout elle) et la drogue (surtout elle) et l’adultère (surtout elle) s’en mêlent… Sexe, mensonges et vidéos (ou photos). Dans une ultime tentative pour sauver leur union, John supplie Carolyn de l’accompagner au mariage de sa cousine. Elle refuse. Sa sœur finit par la convaincre et embarque avec eux dans un avion qu’il n’aurait pas dû piloter et ils décollent dans le ciel crépusculaire. Ils finiront tous les trois au fond de l’océan. « Quelqu’un là-haut ne nous aime pas » disait Bobby Kennedy.
¹Calvin Klein dira d’elle à ses stylistes : « Quand vous concevez un vêtement, pensez à Carolyn Bessette ».
♦ Le cercle des amatrices de tête de veau de Marie-Pierre Gaulier (Amazon, août 2023)
par Marie-Hélène Cossé
Telles les héroïnes du Club des 5 de notre enfance, la soixantaine bien tassée, Milada, Giselle, Rolanda, Diane et Lucille habitent le même immeuble de cité HLM à l’ascenseur déglingué alors que rien ne les y prédestinait. Elles se lient d’amitié autour de leur passion commune, la gastronomie française (et notamment la recette de la tête de veau !) avant de se lier à une femme plus âgée, Blanche, qui habite à quelques kilomètres de là un domaine préservé au bâti lourd d’histoire, véritable réserve naturelle de biodiversité. Tels les héros d’Enid Blyton, ces cinq femmes vont, à l’aide de Blanche, sauver le domaine au fil de nombreuses péripéties sur fond d’entraide communautaire et de dépassement individuel, de légendes du passé et de réalités du temps présent, la preuve par cinq que l’optimisme et les combats à mener n’ont pas d’âge ! C’est gai, léger, enlevé, bien documenté tant sur la partie flore et faune qu’historique, c’est facile à lire comme un roman d’été.
Marie-Pierre Gaulier, journaliste, bibliothécaire, professeure de français à la retraite qui habite Auray aujourd’hui, a écrit ce roman à une période particulièrement noire de sa vie, ce pour quoi elle l’a voulu chargé d’optimisme et d’espoir, pari réussi !