On parle du télétravail depuis des décennies comme moyen possible d’améliorer les conditions de vie des salariés. Pourtant, il n’avait jamais vraiment pris son essor. Depuis la pandémie, sa logique est devenue une exigence.
Une évolution du management
Au début des années 2010 la France¹ (9% de télétravailleurs) était classée en Europe parmi les mauvais élèves du numérique. Le management a été le premier frein à son développement. Flexibilité et confiance étaient peu compatibles avec une culture du présentiel et du contrôle. À cela, s’ajoutait le coût d’équipement (ordinateur, connexion à Internet). Résultat, la France n’a jamais exploité son potentiel numérique et n’a pas répondu aux attentes des salariés qui auraient souhaité réduire leur durée de transport et potentiellement leur stress. Les employeurs ont été perdants en ratant l’occasion de responsabiliser davantage leurs employés et en capant la productivité. Puis, en quelques jours au début du confinement, 8 millions de salariés se sont retrouvés dans leur salon, devant leur ordinateur. Un nouvel accord entre partenaires sociaux encadre désormais les règles du télétravail².
Absence d’unanimité chez les salariés après l’engouement initial
Tous les métiers ne sont pas éligibles. Le télétravail est pratiqué par des professions intellectuelles et/ou caractérisées par une forte autonomie, donc surtout les cadres³. Hommes et femmes ne sont pas égaux. Pendant le confinement4, un quart des femmes ont télétravaillé dans une pièce dédiée où elles ont pu s’isoler contre 41 % des hommes. Les femmes cadres ne sont pas mieux loties. Il n’est guère besoin de réflexions très poussées pour imaginer que pour les familles, travailler entouré d’enfants en bas âge, dans un logement exigu n’est pas un gage de bien-être. Globalement, si une majorité de salariés interrogés a plébiscité au début le télétravail en termes d’autonomie, d’efficacité, d’équilibre vie personnelle et professionnelle5, un nombre important du panel interrogé (un tiers) souhaite désormais revenir sur le lieu de travail.
Les raisons sont : l’isolement, les piètres conditions de travail (ergonomie), l’envie de sortir de chez soi, la difficulté à concilier vie privée vie professionnelle ou pire, la confusion des deux, des horaires de travail plus longs, parfois une pression managériale excessive.
Prudence ! Les contours du télétravail restent à définir
Les employeurs ont bien compris qu’un télétravail partiel, de quelques jours par semaine, pourrait déjà leur permettre de réduire leurs coûts immobiliers et que, exercé dans des conditions optimales, il aurait plutôt tendance à stimuler la productivité tout en rendant les salariés éligibles, plus sereins. Mais trop d’isolement serait en revanche contre-productif. Interagir avec les collègues, s’échapper de la routine familiale, exercer une activité physique pour se rendre à son lieu de travail font partie du bien-être.
Tout cela incite à être nuancé. Il est probable que le télétravail occupe une place durable dans les habitudes des Français. Mais, sa proportion reste à définir. Parions que face à ces changements, tout le monde y trouve son compte.
Michèle Robach
¹18% en moyenne en Europe dont 30% dans les pays scandinaves.
²Accord national interprofessionnel du 26 novembre par les partenaires sociaux (hors CGT pour le moment).
³Note du 19-11-2020 de la Direction Générale du Trésor : Que savons nous aujourd’hui des effets économiques du télétravail ?
4D’après l’INED, Institut National d’ Études démographiques, Bulletin 579, juillet 2020
5D’après des études (Terranova, Anact, Ipsos Malakoff Humanis..).