Le temps qui s’évapore

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Un joggeur court martial sur l’asphalte dédaignant les trottoirs désertés. Le silence est prégnant. Seuls quelques jappements de canidés, quelques cris d’enfants lâchés à l’heure du goûter au rez-de-jardin, la pétarade d’un scooter de livraison. La solidarité de la résidence bat son plein : une affiche prévient « qu’il y a des télétravailleurs qui ont besoin de silence ! ». C’est vrai que les retraités confinés ont tendance à se lâcher sur les cours de salsa !
Entre discipline et farniente, le corps balance…
Une heure d’exercice en vidéo : s’escrimer à resserrer son périnée la tête coincée entre la télé et le canapé est une expérience.
Un enchaînement d’appels téléphoniques à la famille, aux amis pas toujours bien lotis.
Revue de presse : beaucoup de créativité et de partage sur le Net, jusqu’à saturation parfois.
Une pause radio-balcon avec les voisins pour parler rempotage et bons plans shopping.
Des courses avec parcimonie. Le challenge ? Rapporter une denrée non listée et interdite : aujourd’hui… saucisson.
De la lecture : comme par hasard Une chambre à soi de Virginia Woolf devient réalité.
De la musique :  Deezer offre 3 mois d’écoute gratuite.
Quelques albums photos en chantier comme si tout à coup il fallait figer les bons moments de la vie.
Une réunion de rédaction qui s’emberlificote joyeusement les neurones entre Skype, WhatsApp ou Zoom.
Un atelier cuisine « gourmand-croquant » avec trois produits du placard.
Une série (Freud, Godless sur Netflix), un podcast pour s’échapper très très loin (Les Baladeurs)
La journée est finie !
Cette vacance est quelque peu singulière voire culpabilisante au regard de l’engagement et le temps non compté du personnel médical soutenu chaque soir à 20h aux fenêtres françaises et qui, comme dit Narcisse avec ce très beau slam, « Pendant ce temps-là eux soignent ».

Christine Fleurot

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