« Et que l’on estime perdue toute journée où l’on n’aura pas dansé au moins une fois. » disait Nietzsche. La danse a explosé pendant le confinement. Des vidéos, des cours à distance, des spectacles sur écran, beaucoup ont regardé, mais beaucoup aussi ont participé. Retour sur un phénomène.
Pourquoi danser ?
Se tenir debout détermine l’être humain. Danser, c’est ressentir son corps, sa verticalité dans l’espace. Tout le monde sait danser ! Un corps en mouvement est déjà un corps qui danse. Pratiqué depuis le plus jeune âge, populaire ou exigeante, la danse rassemble et permet de se conduire différemment avec l’autre, elle procure une émotion dont on a besoin, nul ne peut nier son pouvoir cathartique. Ce n’est pas toujours facile de danser, quand il fait froid, qu’on se sent mal ou quand on est malade, mais la joie peut venir en dansant : soit on est joyeux et on danse, soit on danse et on devient joyeux. Danser pour se connecter aux autres. Pour se relier différemment au monde et à sa matière. Pour être ensemble autrement. Pour connecter le dedans et le dehors. Pour être un corps sensible au milieu des évènements. Pour mettre de la poésie dans le banal.
« Pas besoin d’espace pour exprimer sa liberté. Elle est partout. Dans les écoles, les prisons, les espaces publics. On peut danser pour raconter, s’interroger. Elle est puissante seule ou à plusieurs. » Mourad Merzouki danseur et chorégraphe
Ici et maintenant
Danser permet d’être une présence incarnée. Il faut être présent dans son corps, attentif à ses sensations, ses émotions, au lieu qui nous entoure. Le danseur est traversé par l’ambiance, l’atmosphère. Julia Beauquel³, philosophe, dit même : « On est dansé par le lieu. On se met à l’écoute, en résonance. La question est d’activer le jour tel qu’il est, de faire circuler le dedans et le dehors et de les connecter en fonction de ses parts de sensibilité. C’est une connexion entre sa météo intérieure et l’extérieur. »
Yves Le Coz, professeur d’EPS, enseigne la danse contemporaine à des élèves de 3e dans un collège étiqueté sensible du 19e arrondissement². Il leur apprend ainsi à dépasser leur condition, leurs réticences, le regard qu’ils ont d’eux-mêmes, les valorisant et leur permettant de découvrir qu’ils ont des potentiels infinis. « Tout le monde participe, on rebat ainsi les cartes. Les bons élèves ne sont pas forcément les meilleurs. »
Une résistance poétique
Nadia Vadori-Gauthier danse comme d’autres manifestent. Depuis l’attentat de Charlie Hebdo en 2015, la chorégraphe a dansé une minute chaque jour¹ sans exception « pour agir par le sensible contre la violence de certains aspects du monde ». Pendant le confinement, elle a ouvert le projet à tous pour témoigner de ce que nous avons vécu collectivement. Le mouvement a connu un incroyable succès ! Des milliers de danses ont été postées par des danseurs occasionnels ou non. « Pas besoin de savoir danser. Tout le monde est danseur, c’est un état premier du corps. » La 2 000e a eu lieu le 5 juillet dernier : à 11 heures du matin, tous les danseurs ont été invités à se connecter pour danser tous ensemble sur Zoom.
Alors ? On danse ?
Marie-Hélène Cossé
Première publication 30/07/2020
Source : Alors on danse de Dorothée Barba dans L’Eté comme jamais sur France Inter mercredi 1er juillet 2020.
¹Une minute de danse par jour
²Le prof de gym de Benoît Grimont (France 3 2016 et Public Sénat 2017)
³Danser, une philosophie de Julia Beauquel, philosophe (2018)