Comment faire l’éloge du mou à l’heure où tout nous parle d’énergies à déployer, de décisions à entériner ou de projets à réaliser ? Eh bien ! Détrompez-vous, notre époque a plus d’un tour dans son sac et être mou c’est la nouvelle forme de résistance à adopter pour vivre heureux.
Le mou, une nécessité !
Ramollo, paresseuse ou vautrée, si vous êtes de celles qui vous laissez aller facilement, qui s’allongent dès que l’envie vous prend, vous êtes dans l’air du temps. Ni regret, ni remords, vous avez tout compris et vous savez vous faire du bien. On a eu des mous célèbres, un Louis-Philippe caricaturé par Daumier sous la forme d’une poire ou un autre de nos gouvernants qui avait hérité du joli surnom de Flanby. Le mou serait donc à sa place, même dans les hautes sphères décisionnaires car on peut toujours décider en son nom, les ministres, ça sert à ça ! Mais le mou est têtu, car il tient à rester mou.
« Le mou résiste, le mou persiste, le mou s’obstine. En cela, il est plus dur que le dur. » affirme la philosophe Géraldine Mosna-Savoye¹.
Je joue la carte du mou
Entretien d’embauche, convocation de la DHR, réunion avec les représentants syndicaux ou première présentation à une éventuelle future belle-mère, avouez qu’on y va mollement… Est-ce que mollesse signifie faiblesse ? Non, répondront les vrais mous, elle sert à modérer nos paroles, à résister aux injonctions, à affirmer notre personnalité, à différer nos décisions et à nous affirmer en choisissant de mettre un jogging tout confortable et tout mou, même en ville. La position horizontale n’empêche pas de réfléchir ni de créer, histoire de dire aux autres que, bien qu’avachie, je participe au mouvement du monde. Les expressions du mou fleurissent dans nos conversations, n’avez-vous jamais décrit untel comme un « Mou du genou », dit que vous avez un « Coup de mou » plutôt qu’un coup de blues ou, pour parodier Pierre Dac, de clamer qu’« Être dur de la feuille n’empêche pas pour autant d’être mou de la branche et réciproquement » ?
La mollesse est envahissante
La peau de notre visage tire souvent vers le mou, surtout au réveil, la poignée de main molle est peu encline à montrer sa force, le corps prend des kilos et ramollit la silhouette. Ceux qui n’aiment pas le sport (et j’en suis !) sont vite et injustement traités de mous. Combien de parents fustigent les enfants qui se complaisent dans l’inaction, des coaches nous incitent à la méditation, des psys à la réflexion intérieure, jusque dans notre assiette où le soufflé au fromage est mou, le chou à la crème tout autant et le marshmallow n’a rien à leur envier. Donc, si le repos était une activité chez les Anciens, il est aujourd’hui choisi par les paresseux pour ses bienfaits.
Je terminerai par remercier Salvador Dali avec son tableau de montres molles, des montres déformées et arrêtées qui ne donnent pas l’heure mais qui nous incitent à ne pas mesurer le temps qui s’écoule inexorablement… et mollement !
Vicky Sommet
¹« La force du mou » de Géraldine Mosna-Savoye aux éditions de l’Observatoire, octobre 2022.