Flemmarder pour le meilleur et pour le pire

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En ce début d’année, foin de bonnes résolutions, vous envisagez de suivre votre instinct et de flemmarder à loisir. Ne souriez pas, c’est un sujet sérieux que j’aborde aujourd’hui, les Françaises ont perdu la niaque et paresseraient même en semaine. Entre celles qui cèdent à l’appel du canapé et celles qui trouvent tout sur leur écran, et même l’amour, le monde s’est mis au ralenti, l’oisiveté a du bon !

Le quotidien des paresseuses

Le télétravail a tout bousculé, fini les flirts devant la machine à café, les imprimantes qui avalent vos copies et les mauvais déjeuners dans une cantine bruyante. Fini les remarques acerbes de vos supérieurs, les disputes dans l’espace partagé (l’open space) et, pour celles qui ne travaillent pas, l’heure n’a plus d’heures et les rendez-vous se prennent selon la météo et votre degré d’énergie pour remplir votre agenda. Les salles de cinéma ne font pas le plein, les associations sont en mal de bénévoles et 30% d’entre nous se sentiraient moins motivés qu’avant. Quant aux jeunes, ceux de 2022 mettraient 90 secondes de plus à courir 1600 mètres qu’il y a 30 ans. D’où la campagne de Santé publique France : « Faire bouger les ados, c’est pas évident. Mais les encourager, c’est important

L’épidémie de flemme est en marche

Les chercheurs le constatent, épuisements professionnels, burn-out et instabilités émotionnelles sont des signes de notre époque. Nous flemmardons à juste titre, c’est donc un remède comme un autre ! Les rues de Paris vides de leurs habitants ne sont plus un phénomène rare, moins de voitures et plus de vélos ou de trottinettes rendent la ville plus silencieuse, les livraisons de vêtements, articles hi-fi et les repas à domicile obligent de moins en moins à sortir, les caddys et paniers sont remisés à la cave. Le cinéma et le théâtre sont à la portée de tous sur petit écran, gratuitement ou en payant une somme modique, tout comme les rencontres sportives, les concerts et les ballets et je ne parle pas des séries que nous proposent les plateformes dédiées qui m’ont fait progresser en mexicain, coréen, chinois, ou suédois. Je suis devenue une femme du monde… virtuel !

« Rien n’est plus fatiguant que la paresse. » Rivarol

74% des Français auraient une image positive du lit et 59% du canapé. Le Petit Robert inscrira dans son édition 2023 le mot anglais « to chill » qui deviendra « chiller », prendre du bon temps à ne rien faire, ce que procrastiner avant lui avait déjà glorifié. Les plaids et les couvertures se vendent bien à l’approche de l’hiver, le coucounage a ses adeptes et plus le tissu est doux et protecteur, plus on aime se lover dans du cachemire, de la soie ou du pashmina. Peut-être espérons-nous, sans oser se l’avouer, que l’hiver sera froid et qu’un temps de chien ne nous obligera plus à mettre le nez dehors. Un proverbe suédois dit que « La paresse est l’oreiller du diable » or, là-haut, au Nord, l’hiver, ils connaissent ! Nous laisserons-nous aller à accueillir le « malin », confortablement installées sous la couette pour rêvasser et faire comme dit Jules Renard, « Le travail pense, la paresse songe », en précisant sans aucune honte, « Je me surmène de paresse ».

Oisiveté, nonchalance, indolence, langueur…

La paresse, vous l’aurez compris, c’ est tout cela à la fois. Mais aussi un péché majeur, un trait de caractère, une faute morale, voire une souffrance intérieure. Il faut dire que le travail occupe une telle position dominante que la paresse est réduite à l’oisiveté. Elle menace la prospérité d’une famille, le succès d’une entreprise ou la richesse d’une nation. Pour l’historien André Rauch « L’art de ne rien faire, talent mal reconnu aujourd’hui, peut pourtant servir de moteur dans la vie ». Pour la sociologue Dominique Méda, il faut savoir «désenchanter le travail» pour jouir du repos sans culpabilité, tout en regrettant l’époque où le travail était le moteur de vie des Français : « Quel dommage que nous n’ayons pas tiré un bilan serein de cette époque et que nous ayons renoncé à remettre ces questions sur la table : la place du travail dans nos vies, la manière dont il faut le redistribuer, la question de ce qu’est la richesse d’une société et la manière dont elle se mesure… Il me semble qu’il est grand temps que nous reprenions ce débat essentiel. »

Vicky Sommet

Une étude parue récemment indique qu’il y a trente ans, 60% des Français disaient que le travail était quelque chose de « très important » dans leur vie, ils ne sont plus que 24% à le penser aujourd’hui.  

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