La subversion, tout un art

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Les hommes ont occupé tous les espaces jusqu’à ce qu’ils représentent l’humanité. Ce rapt civilisationnel peut être renversé sans violence, en incitant les femmes à penser qu’au-delà de leur fonction de reproduction de l’espèce humaine, elles peuvent devenir subversives en reprenant confiance en elles.

L’art de n’être pas là où on vous attend

La subversion est ce qui manque aux femmes pour se sentir totalement libres et détachées du regard scrutateur des hommes et oser participer à la construction du monde. En agitant le spectre de la confiance et de l’importance d’être quelqu’une ! « L’homme », dit la philosophe Gisèle Szczyglak¹, « n’est pas, par essence, le contraire de la femme … Dès la préhistoire, les femmes ont été reléguées au fond de la grotte, dans la sphère privée invisible, celle dédiées aux soins de la famille, comme dans la démocratie athénienne où seuls les hommes étaient citoyens à part entière ». Repris avec les mots de Rousseau : « Il faut qu’elle soit gênée de bonne heure ».

L’art de la dissidence

Dialogue apaisé ou contestation bruyante, les femmes ont emprunté multiples chemins pour faire avancer leur cause. Du corset qu’elles ont délacé aux diplômes qu’elles ont acquis, de leur prise d’autonomie financière au plafond de verre à briser, la subversion impose un changement, une ruse, un refus de la domestication de leur existence qui a été pendant des siècles un ancrage de leur identité dans l’immobilité. Attention, le « body langage », les affirmations ou les prises de position peuvent être interprétés non comme des arguments valables mais comme une invitation sexuelle. Les femmes pionnières, quel que soit leur domaine, sont souvent considérées comme des curiosités anthropologiques. Est-il utile de rappeler que depuis 1938, elles ne doivent plus obéissance à leur mari ou, qu’en 1965, elles ont pu ouvrir un compte en banque sans leur aval.

L’art de la culpabilité inculquée

Le chemin de l’action et de la pensée est de passer de « bien » à « juste ». Mais notre goût pour ne pas faire du bruit, pour rester discrètes voire muettes, nous frappe d’invisibilité. Or, la docilité est la puissance des faibles ! Et bien que nous entendions souvent ces injonctions :  trop jeune, trop vieille, trop grosse, trop indépendante, trop sensuelle et ainsi de suite, il nous faut ne plus subir l’oppression, se placer au centre du monde et être reconnue pour notre force personnelle. Il en va de notre dignité de femme. Témoin la « valence différentielle des sexes » de l’anthropologue Françoise Héritier où le genre féminin est devenu le marqueur, en mode négatif, du genre humain.

Si une posture consiste « à faire semblant de ne pas comprendre ce qu’on attend de vous, ce qu’on vous reproche, cela ne vous empêchera pas d’être alignée avec vos valeurs ». Ainsi en habituant les autres à sa propre subversion, on autorise tout le monde à se rebeller, femmes et hommes, et chacun trouvera SA place.

Vicky Sommet

¹« Subversivesou l’art subtil de n’être jamais là où on vous attend » de Gisèle Szczyglak aux éditions Payot (mars 2021).

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