Avec son rituel, sa reconduction de gestes précis, son accession à des sensations gustatives raffinées, le thé introduit dans notre quotidien une brèche d’harmonie.
En Europe, une longue tradition
Vasco de Gama ouvre la route des Indes en 1498 permettant aux Portugais puis aux Hollandais de se rendre en Chine et au Japon pour le négoce du thé. En France, il apparaît dès 1650 dans les milieux médicaux. Le Cardinal Mazarin en consomme pour soigner sa goutte. Madame de Sévigné, elle, affirme en prendre tous les matins comme tonique. L’habitude de prendre du thé en Angleterre se développe à partir de 1662, grâce à la Princesse de Bragance qui apporte du Portugal tout un service de porcelaine dans sa dot. Mais, c’est seulement en 1840 que Anna Russel, Duchesse de Bedford va véritablement codifier l’« Afternoon tea » et l’introduire au Palais de Buckingham avec les incontournables scones. En 1706, Thomas Twinning ouvre au 216 du Strand le premier Tea Room où l’on vend toujours du thé.
Au Japon, la voie du thé, quête de la zénitude
La cérémonie du thé n’est pratiquée qu’à la fin du XIIe siècle dans les monastères bouddhiques. Elle se déroule dans un pavillon avec cinq éléments : le bois (spatule pour prendre la poudre de thé et le fouet pour faire mousser le matcha), le feu (les braises soigneusement disposées), le métal (bouilloire en fonte), la terre (pot à eau froide et bol à thé en céramique et enfin l’eau (froide et chaude). Le maitre le plus connu, Sen no Rikyu (1522-1591) proposa une méthode mélangeant les pratiques de son époque (la voie du thé). Elle s’appuie sur quatre beaux principes fondamentaux : l’harmonie qui suppose de dominer ses émotions, le respect (de soi, des autres, des objets et de la nature), la pureté (purification des objets et du corps) et enfin la sérénité, combat de tous les jours qui mène à la tranquillité.
C’est l’objet du film récent de Tatsushi Omori, « Dans un jardin qu’on dirait éternel » où l’iconique actrice japonaise Kirin Kiki nous enseigne l’art du thé comme une philosophie de la vie.
Associations sophistiquées entre nourriture et thé
Leurs goûts, arômes et couleurs sont une source d’inspiration en gastronomie. Le thé est un produit de terroir travaillé par l’homme. Ses couleurs viennent de la façon dont le producteur va travailler la feuille une fois qu’elle a été récoltée. On peut la laisser s’oxyder plus ou moins longuement pour obtenir un thé blanc, vert. On peut l’accélérer sur un temps très court, pour obtenir le thé dit rouge en Chine ou noir en Europe, on peut initier l’oxydation et la stopper dans le cas du thé bleu-vert ou oolong. Globalement, il existe six couleurs de thé.
C’est ce qui fascine Anne Sophie Pic, Cheffe 3 étoiles. Initiée au Japon, elle utilise le thé japonais dans sa cuisine non seulement dans ses desserts (vacherin au thé vert grillé du Japon, Hojicha) mais aussi associé au fromage comme sa recette de berlingots coulants au fromage de chèvre et thé matcha.
Consommé en boisson ou associé aux mets, le thé est un art de vivre, une source de bien-être où puiser détente et plaisir. Laissez-vous tenter !
Michèle Robach