L’Intelligence Artificielle, miroir de notre société

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L’intelligence artificielle (IA) a depuis bien longtemps déjà, modifié nos modes de vie et nos interactions sociales. Nul ne conteste son efficacité, mais il faut être vigilant, car elle se nourrit d’algorithmes qui reproduisent et amplifient les stéréotypes de genre.

Des biais subtils, mais dangereux

On aurait pu espérer qu’en 2024 la diversité serait mieux intégrée au sein des outils d’intelligence artificielle, pourtant, la situation reste fortement biaisée. Dans un rapport datant de mars 2024¹, l’UNESCO souligne que les grands modèles de langage de Meta et d’Open AI qui alimentent les outils d’intelligence artificielle véhiculent sans équivoque des préjugés à l’encontre des femmes. Ce sont ces modèles, gratuits et accessibles, qui présentent les biais les plus significatifs, même si la communauté scientifique mondiale travaille afin d’atténuer et de corriger les préjugés sexistes. Par exemple, l’étude souligne que les femmes sont montrées comme des travailleuses domestiques jusqu’à 4 fois plus que les hommes et qu’elles sont fréquemment associées aux mots maison, famille, enfant alors que pour les hommes les mots entreprise, cadre, salaire et carrière sont privilégiés.

« Ces nouvelles applications d’IA ont le pouvoir de subtilement façonner les perceptions de millions de personnes, de telle sorte que même de légers préjugés sexistes dans le contenu peuvent amplifier de  manière significatives les inégalités dans le monde réel. » Audray Azoulay directrice générale de l’UNESCO 

Femmes et IA : briser les codes

C’était l’objet d’un récent colloque récent au Sénat² et la première question posée était : pourquoi si peu de femmes dans les métiers de l’IA ? Elles occupent 24% des emplois dans le numérique et la situation au niveau universitaire laisse peu d’espoir d’amélioration, tant les jeunes filles sont minoritaires dans ces filières³. Alors que les rôles-modèles dans la société pourraient inverser la situation, les pionnières dans l’IA sont invisibilisées. Le NY Times publiait en décembre 2024 un classement des personnalités les plus célèbres dans ce secteur, où ne figurait aucune femme, même pas la chercheuse Fei-Fei Li, cette Américaine née en Chine, spécialisée dans le deep learning, qui enseigne dans les universités les plus prestigieuses et a été cheffe d’un service d’IA chez Google. Hélène Decks van Ruys, directrice RSE et copilote du groupe femmes et IA au Laboratoire de l’égalité, souligne une responsabilité tripartite partagée entre les parents, l’enseignement et l’entreprise. Selon elle, Il faut dégenrer et démystifier dès le primaire, les métiers de l’informatique et c’est d’autant plus urgent qu’Il manque 100 000 femmes ingénieurs en France.

Renverser la tendance

Les femmes ont un rôle crucial à jouer dans le développement d’une IA inclusive. L’IA n’est pas sexiste en tant  que telle, mais 88% des algorithmes sont créés par des hommes qui, inconsciemment ou non, reproduisent leurs propres biais. Cette absence de présence de femmes dans les métiers de l’IA, et en particulier dans la programmation, est un facteur essentiel des stéréotypes de genre qui vont se reproduire et s’amplifier. À la Fondation Abeona4 (collectif pour une IA responsable et inclusive), on estime, pour répondre à la question posée par le Sénat, que l’IA n’est pas sexiste mais « qu’elle est entrainée par des humains qui reflètent notre société ». Les algorithmes sont des outils auto-apprenants qui se nourrissent des données qu’on leur fournit. L’ensemble des acteurs doit être sensibilisé à ce qu’est un biais de genre, apprendre à les déceler et voir à quel moment ils peuvent s’immiscer dans le développement de l’algorithme, car il est toujours possible de corriger et de renverser la tendance.

Marine Rabeyrin du groupe Femmes & IA du Cercle InterElles propose une stratégie d’inclusivité pour les entreprises : mettre en place une charte de gouvernance, ce qui revient à s’engager sur une grille de critères « éthiques » (parité, respect, bienveillance…) et déclarer publiquement sa volonté d’agir en accord avec cette charte5 tout en s’auto-évaluant régulièrement.

L’enjeu est considérable, mais la bonne nouvelle c’est que l’intelligence artificielle n’étant rien d’autre que le miroir de notre société, le travail à accomplir pour la rendre plus éthique et responsable représente pour les femmes un levier égalitaire considérable, grâce aux mesures à mettre en place pour corriger les algorithmes.

Michèle Robach

¹Étude de l’UNESCO
²Débat au Sénat : L’IA est-elle sexiste ?
³40% des effectifs des enseignements des maths, 14% en informatique et numérique, 13% en sciences de
l’ingénieur.
4Tania Perelmuter co-fondatrice et directrice de la stratégie et des partenariats est intervenue au Sénat.
5En 2024, une quinzaine d’entreprises ont déjà signé la charte Femmes et IA, pour une IA responsable et non sexiste. Cela les aide à prendre position et à s’engager.

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