Célèbre, mondialement connu, mythique et légendaire, le N°5 traîne derrière lui un effluve de scandale depuis 1921, l’année de sa création. Son parcours, comme celui de sa créatrice Coco Chanel, sera semé d’embûches, de renoncements et de secrets.
L’odorat est notre seul sens instinctif
À l’image du chasseur qui tue un sanglier et qui, en l’émasculant, répand une odeur camphrée et terreuse tel « le parfum des tubéreuses sur le sable », Gabrielle aimait le sauvage, champignons des bois, huîtres de l’océan ou chasse à courre avec le Duc de Westminster. Il n’est au départ distribué que dans quatre boutiques, Paris, Deauville, Biarritz et Cannes, l’itinéraire des promenades mondaines de Mademoiselle Chanel. Pourquoi N°5 ? Les 5 enfants Chanel, la cinquième constellation, celle du Lion sous laquelle elle est née ou les Cinq doigts d’Igor Stravinsky, composé au piano dans sa maison de Garches, l’histoire ne connait pas la réponse…
Les secrets du N°5
De quoi est-il fait ? Un concentré de jasmin et de rose de Grasse, dans un flacon d’une grande simplicité « Si j’étais parfumeur, je mettrais tout dans le parfum et rien dans la présentation… et pour qu’il soit inimitable, je voudrais qu’il coûte extrêmement cher ». Pourtant le verre ne sera commandé ni chez Baccarat ou Lalique mais dans une verrerie industrielle de Rouen et l’étui, une feuille de Canson pliée en quatre. Enfin, le bouchon octogonal serait inspiré par la Place des Vosges. À l’origine se trouve un inventeur, Ernest Beaux,qui aurait repris son N°1 de chez Rallet, créé en Russie, antérieurement à la révolution de 1917.
« Lead them by the nose »
C’est la mission que Chanel a assignée au parfum : mener les hommes par le bout du nez. Elle voulait « Quelque chose de très spécial, qui ne tache pas, qui sente très bon, sinon c’est foutu, c’est le souk ». Choisi parmi deux séries, celle de 1 à 5 et celle de 20 à 24, elle choisira le 5 et au moment de lui donner un nom, elle répondra : « Je présente ma collection de robes le 5 du mois de mai, le cinquième de l’année, nous lui laisserons donc le numéro qu’il porte et ce numéro 5 lui portera bonheur ». En 1923, se crée la société des Parfums Chanel dont elle ne possède que 10% « Tous ces gens-là font des fortunes sur mon dos, mais la griffe Chanel n’existerait pas sans mon talent, sans mon travail ».
Les frères Wertheimer, autres associés partis se réfugier à New-York dès 1939, parce que juifs, réussiront à faire rapporter en Amérique jasmin et rose pour poursuivre la fabrication. Mais ils seront révoqués en 1940 et l’antisémitisme affiché de Coco fera le reste pour qu’elle se réapproprie toutes les actions.
Précurseur sans le savoir, Chanel a nourri dès le départ une image de marque dédiée à l’excellence artisanale des produits naturels, restée encore aujourd’hui une fragrance sauvage et luxueuse entourée de mystère à l’image de son égérie.
Vicky Sommet
EN SAVOIR PLUS :
« Le N°5 de Chanel » de Marie-Dominique Lelièvre aux éditions Stock (octobre 2019).
« La grande histoire du parfum » d’Elisabeth de Feydeau aux éditions Larousse (oct 2019).
« Le grand livre du parfum » du Collectif nez paru chez Nez Culture (octobre 2018).
« Chanel n°5. Die Geschichte des berühmesten Parfums der Welt » de Tilar Mazzeo aux éditons DTV (écrit en allemand).
