Avant l’orage

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De la reine Catherine de Médicis au milliardaire François Pinault, voici l’histoire tourmentée d’une halle au blé, devenue bourse de commerce, avant d’être aujourd’hui un haut lieu de l’art contemporain en France abritant cette saison une collection temporaire, « Avant l’orage », dont le nom gronde telle une alerte.

Une histoire tourmentée

Dans ce quartier historique des Halles, Catherine de Médicis fit construire l’Hôtel de Soissons qu’elle habita. Il en reste une colonne astronomique de 31 mètres accolée au bâtiment actuel. On ne sait pas quel usage en faisait Catherine, férue d’astrologie. Au 18e siècle, fut édifié une Halle au blé au plan circulaire et aux colonnes d’ordre toscan. L’architecte était un admirateur des grandes réalisations romaines, comme le Colisée. Une coupole en bois, légère, fut ajoutée et rehaussa l’élégance du bâtiment. Après un incendie en 1802, le choix d’une charpente en fer couverte de feuilles de cuivre indique une volonté d’avant-garde de la part de l’administration impériale. Nouvel incendie en 1854 et fermeture de la Halle au blé, moins utilisée avec le développement des chemins de fer. En 1885, la Chambre de Commerce devient l’occupant et la Halle est transformée en Bourse de Commerce. La rotonde est décorée de grandes fresques à la gloire du commerce international, des marchés et de la spéculation. Des colonnes corinthiennes montrent le caractère quasi religieux de ce temple dédié au Libre-Marché.

La collection Pinault

L’essentiel de la structure a été conservé par l’industriel milliardaire et collectionneur François Pinault lorsqu’il prit possession du lieu en 2016 et l’aménagea avec le concours du grand architecte japonais Tao Ando. Ce fut un choc pour les Parisiens lorsqu’ils découvrirent cette nouvelle Bourse dans un environnement harmonieux, une demi-lune très anglaise bordée de beaux immeubles du 19e siècle et le nouveau jardin des Halles aux amandiers déjà en fleurs. Second choc lorsqu’ils entrèrent dans l’immense rotonde, blanche et lumineuse, avec sa verrière et ses fresques. L’industriel tient son engagement d’organiser dix expositions par an. Des artistes sont découverts sur tous les continents et des toiles très récentes sont exposées. Le public, à condition d’être intéressé par un art contemporain éclectique et sans frontières, fera sa sélection et devrait être satisfait. « Avant l’orage » est le titre de l’exposition présentée depuis février.

« Tout est intempérie sur Terre. C’est ce dont les œuvres rassemblées dans cette exposition veulent témoigner. (…) après tout, on ne sait pas vraiment si l’on est avant ou après l’orage, car le monde entier est devenu un orage. Et l’orage n’est rien d’autre que le chant de la vie. » Emanuele Coccia

Avant l’orage

Sous ce nom évocateur est en fait regroupée une série d’expositions rassemblant près d’une vingtaine d’artistes où des créations inédites se mêlent aux collections permanentes du musée en en métamorphosant tous les espaces. Des installations monumentales et immersives, une nouvelle scénographie au fil des saisons, l’enjeu est d’éveiller les consciences à la fragilité du monde. La saison s’ouvre avec une installation monumentale et inédite de Danh Vo, créée pour la Rotonde où sont montés des cadres en bois qui supportent des branches de chêne naturel ramassées sur le sol de forêts françaises. Des corps de sculptures antiques, déformées par les effets du temps et de la nature sont posés ou suspendus. Cette installation est l’œuvre d’un réfugié vietnamien, devenu citoyen danois, à la recherche de racines sur une planète qui se meurt. L’espoir et la vie ne sont pas étouffées, comme le suggèrent des glycines dissimulées entre deux branches et des photos de fleurs prises dans le magasin qui est au pied de son appartement berlinois.

Est également exposé le fac-similé d’une lettre d’un missionnaire français martyrisé (1861) à son supérieur. Le ton est serein. « Nous sommes tous sur cette terre que des fleurs que Dieu cueille en son temps… comme la rose empourprée, le lys virginal ou l’humble violette… Moi, petit éphémère, je m’en vais le premier. » 

Pierre-Yves Cossé

« Avant l’orage », Collection Pinault, Bourse du Commerce, jusqu’au 11 septembre 2023.

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