Pour démarrer l’année toute en curiosité et émotion, quelques suggestions de découvertes culturelles. Un film, un spectacle, un livre, une expo, un documentaire : réconciliation, famille, souvenir et héritage sont au cœur du sujet.
♦ Madres paralelas (Les mères parallèles) de Pedro Almodóvar
par Michèle Robach
À l’heure où l’Espagne envisage un nouveau projet de loi de mémoire qui rende hommage aux victimes de la guerre civile, Pedro Almodovar nous rappelle dans Madres parallelas, son dernier film sorti en salle le 1er décembre, que le cinéma s’enracine dans le labyrinthe des souvenirs et des débats douloureux qui continuent de diviser le pays. Entre Janis (Penelope Cruz) et Ana s’oppose celle qui est prête à rouvrir les plaies afin de réparer l’histoire et préparer l’avenir à sa jeune amante qui semble avoir fait table rase du passé. Il est ici beaucoup question de recherche anxieuse de paternité et de recours aux banques d’ADN comme celles qui permettront de recenser les victimes de cette guerre qui fit plus d’un million de morts. C’est sur cette terre méridionale où, pour notre plus grand bonheur, on sent la bonne odeur des mantecaos et des tortillas qu’affectionnent le cinéaste que se croisent, sur un fond de couleurs brulantes, les destins de femmes, toutes générations confondues, et leurs retrouvailles tourmentées et amoureuses. Chaque scène est gorgée de tendresse et font de ce film, entre le deuil et la joie, une véritable ode à la vie. Viva España !
♦ Biennale Internationale des Arts du Cirque : le nouvel art circassien
par Marie-Blanche Camps
La BIAC 2022 présente 44 spectacles dans 31 villes de la région Marseille-Provence-Alpes-Côte d’Azur. La programmation met l’art circassien à l’honneur et offre une vision de la variété et du dynamisme du cirque contemportain en pleine mutation. « Les hommes des cavernes… montaient sur les épaules les uns des autres pour tenter de décrocher la lune… Le cirque était né, essentiel, pour toujours ! » Cirque en réalité virtuelle, cirque chorégraphié, cirque gyropodique, etc. Aujourd’hui l’art visuel se mêle à l’art vivant pour proposer des spectacles à regarder, à entendre et à ressentir.
Billetterie. Du 12 janvier au 13 février 2022. Pour tout public, dès 2 ans. Certains spectacles sont gratuits à Marseille.
♦ S’adapter de Clara Dupont-Monod (Éditions Stock, août 2021 – Prix Femina 2021, Prix Landerneau 2021, Prix Goncourt des lycéens 2021)
par Brigitte Leprince
Avec sensibilité, originalité et émotion Clara Dupont-Monod donne la parole aux « pierres rousses » pour raconter un enfant « différent » né au sein d’une famille Cévenole. La fratrie, brusquement confrontée à l’inconfort engendré par « l’autre », ressent tour à tour responsabilité, compassion, jalousie, rejet, culpabilité. L’auteur observe chacun des personnages avec bienveillance et rigueur en ne les nommant jamais, alors que la nature, comme un pansement pour alléger la peine, est décrite avec enthousiasme, ampleur et justesse. Cet enfant bouscule la famille et la contraint à s’adapter, partager, pardonner. Malgré la gravité du sujet Clara Dupont-Monod ne s’enlise pas dans la tristesse, mais met en avant l’extraordinaire force du lien familial.
♦ Julie Manet – La mémoire impressionniste
Exposition à voir au Musée Marmottan-Monet jusqu’au 20 mars 2022
par Anne-Marie Chust
Fille de Berthe Morisot et d’Eugène Manet, nièce du grand Edouard (Manet), elle côtoie Stéphane Mallarmé, Pierre-Auguste Renoir, Edgar Degas, autant d’artistes qui forment une famille de cœur qui l’entoure à la mort de sa mère en 1895 et veillent sur elle. Julie aura posé dès son plus jeune âge pour les peintres de son entourage et est indéniablement une enfant de l’impressionnisme. Dernière des Manet, Julie est la dépositrice d’un patrimoine considérable. Les Renoir, Monet et surtout Manet, qu’elle tient de ses parents, composent le décor dans lequel elle évolue. Aux côtés de son mari, Julie devient une collectionneuse, si Julie peint à l’exemple de ses aïeux, elle s’attache surtout à défendre l’œuvre de son oncle Edouard et à faire reconnaître celle de sa mère, Berthe Morisot. Julie Manet multiplie dès lors les dons aux musées, contribue non seulement à l’enrichissement du patrimoine commun mais également à faire vivre leur mémoire… impressionniste.
♦ Animal de Cyril Dion (Domaine du Possible, Actes Sud, 201 & documentaire sorti en salle le 1er décembre)
par Anne-Claire Gagnon
Le film et le livre Animal sont des invitations à nous interroger sur notre relation au monde animal, sans jugement, juste avec le questionnement pertinent de deux adolescents que Cyril Dion accompagne. Au fil des observations vécues avec eux – notamment dans un élevage intensif de lapins ou de vaches en alpage, où l’éleveur lui-même est bouleversé – nous cheminons, nous révoltons, nous rebellons pour finalement admettre qu’au milieu de nos contradictions quotidiennes, dans nos achats ou nos assiettes, c’est à chacun de nous de décider, en acte et en conscience, comment se réconcilier avec l’animal.