Anna Freud, la fille préférée de son père

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Anna Freud (1895-1982) va s’imposer comme une grande figure de la psychanalyse malgré l’ombre de son père. Elle intègre la société psychanalytique de Vienne en 1924 et restera toute sa vie proche de son père affectivement et intellectuellement avant de s’imposer et faire ses choix.

Institutrice avant d’être analyste 

Dernière d’une fratrie de six enfants, Anna suit une formation d’enseignante à l’école Montessori. Titularisée en 1917, elle va enseigner jusqu’en 1920. C’est au cours de sa formation d’institutrice qu’elle entame, pendant quatre ans, une première analyse avec son père. Cette expérience lui permet de devenir analyste et en 1922, d’entrer à la Société psychanalytique de Vienne. Elle va utiliser son expérience d’enseignante pour développer une méthode d’analyse des enfants, qu’elle va théoriser en 1927 dans son Introduction à la psychanalyse des enfants¹. Elle s’occupera avec passion des orphelins après la guerre et psychanalysera les enfants de ses amis.

Fuir le nazisme, sauver son père et la psychanalyse

Souhaitant partir s’installer à Berlin, le cancer de son père vient brutalement mettre en cause ses désirs d’autonomie. Anna prend très tôt conscience de la menace nazie. En Allemagne, on brûle les ouvrages de Freud. Le 12 mars 1938, les troupes de la Wehrmacht franchissent la frontière austro-allemande et avancent à marche rapide vers Vienne. La psychanalyse est déclarée science juive. « Comme cet homme (Hitler) doit haïr la psychanalyse », disait alors Thomas Mann. Le fait est que l’inconscient, tel que décrit par Freud fait de rêves et de langage, n’a rien à voir avec l’hérédité ou le biologique de l’idéologie nazie. Aidée par la psychanalyste et amie, Marie Bonaparte², Anna finit par convaincre son père de fuir à Londres le 4 juin 1938, après l’Anschluss³ et la terrible journée où elle est interrogée par la Gestapo.

La mise à distance du père

Bien que libéral, Freud, qui a analysé deux fois Anna, est très présent dans sa vie. Il lui présente Lou Andreas-Salomé qui confortera  Anna dans son rôle d’infirmière auprès de son père et veut en faire une écrivaine.   Mais la rencontre de Dorothy Burlingham en 1925, avec qui Anna vivra 50 ans, renverse la relation avec le père et Lou. Elle va désormais créer, inventer ses propres points théoriques et renoncer à devenir écrivaine. Avec Dorothy, elle va lancer ce qu’elle nomme « quelque chose entre une crèche et un jardin d’enfants », financé par Édith Jackson, une riche patiente de Freud. Cette institution unique prodiguait des soins psychologiques aux enfants les plus pauvres de Vienne, consacrant la rencontre entre  pédagogie et psychanalyse. Anna va connaître un immense succès après la parution de son ouvrage principal, « Le traitement psychanalytique des enfants »4. Elle se rendra régulièrement aux États-Unis pour faire des conférences et profitera des largesses de Marilyn Monroe et Jacky Kennedy.

Anna Freud a certes bénéficié de la légitimité de son père, toutefois, cela ne l’empêcha pas de devenir, comme le dit Lacan, « le fil à plomb de la psychanalyse ».

Michèle Robach

¹Traduit de l’allemand par Élisabeth Rochat. Paris, Les Éditions psychanalytiques, 1931.
²
1882-1962,femme de lettre, mécène, psychanalyste, disciple de Sigmund Freud dont elle va contribuer à diffuser le travail en rance et en Grèce.

³Terme allemand qui désigne l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie.
4Le traitement psychanalytique des enfants. Ce livre regroupe une série de conférences faites à l’Institut psychanalytique de Vienne en 1926, un rapport lu au Xe Congrès International de psychanalyse à Innsbruck en 1927, ainsi qu’un article paru en 1945.

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