Être lectrice : un doux péché…

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Admirées ou rejetées, les femmes qui lisent des romans ont subi le mépris des hommes qui considéraient la lecture comme une perte de temps. Oubli des tâches ménagères, activité dangereuse, elles en auraient oublié leurs devoirs civiques et acquis une meilleure connaissance des hommes. Inconcevable pour ces messieurs…

La lecture en image

C’est grâce aux peintres que nous savons que les femmes ont toujours lu. De la servante qui lit au 17ème siècle de Pieter Janssens Elinga « Femme en train de lire » à celle qui lit « Sur la plage » d’Édouard Manet, la plus célèbre d’entre elle reste « La femme en bleu lisant une lettre » de Vermeer, car en Hollande comme en France, les femmes savaient lire et écrire surtout depuis le 16ème siècle. Au siècle des Lumières, les peintres se sont plus intéressés aux lectrices et à leurs attitudes, comme François Boucher qui représente à sa demande la marquise de Pompadour attendant le roi Louis XV dans son boudoir. Beauté et intelligence étaient alors l’apanage des femmes cultivées et ambitieuses, conscientes de leurs atouts et souhaitant les rendre publics.

La sensibilité féminine

Pour Henry James « Les femmes sont des observatrices sensibles et patientes ; on pourrait dire qu’elles approchent leur nez tout près de l’étoffe de la vie ». La lecture de romans augmente la capacité d’empathie et permet d’acquérir des bases solides pour développer sa personnalité. Les univers parallèles qu’offre le roman, demandent d’accompagner des personnages et de faire siennes les émotions et les idées des autres. Dénigrée par les hommes, la lecture donnait aux femmes les clés pour mieux connaître l’existence, les rendaient plus intelligentes et devenaient, et c’est en cela qu’elles étaient dangereuses, plus indépendantes ! Plus loin encore, l’historien Arthur Imhof a démontré que le recul de la mortalité infantile en Europe était lié à l’augmentation de femmes qui lisaient. Elles savaient ainsi mieux s’informer, se responsabiliser et combattre leur ignorance en matière de contraception.

La lecture, un doux péché

Que ce soit dans la littérature ou dans la peinture, de Fragonard à Hopper* en passant par Cartier-Bresson, le livre est un objet de séduction. Dans « Madame Bovary », Gustave Flaubert accentue cette idée et le bovarysme décrit cette héroïne, victime de son imagination débordante, elle qui rêve en permanence et ce depuis le couvent où elle lisait de manière assidue les romans à l’eau de rose de son temps. Bon livre ou livre subversif, pour Marcel Proust « Tant que la lecture est pour nous l’initiatrice dont les clefs magiques nous ouvrent au fond de nous-mêmes la porte des demeures où nous n’aurions pas su pénétrer, son rôle dans notre vie est salutaire ». Dans les salons littéraires féminins, les salonnières lisaient à haute voix les romans de dames.

Une dernière image, Colette lisant à Audrey Hepburn agenouillée, elle qui joua Gigi d’après le roman d’abord paru en feuilleton, une visite parisienne avant de partir répéter la pièce à New York. On aurait aimé y être !

Vicky Sommet

« Les femmes qui lisent sont de plus en plus dangereuses » de Laure Adler et Stefan Bollmann aux éditions Flammarion (2006).

*Nombreuses reproductions de tableaux dans l’ouvrage.

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