Femmes dans les romans, qui êtes-vous ?

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Jeunes adolescentes, épouses ou mères, maîtresses ou vieilles filles, ce sont les personnages féminins des romans que nous lisons. Mais la sociologie a regardé de plus près ces « États de femme » et a remarqué à travers la lecture de 250 oeuvres du 18e à nos jours qu’elles figurent toujours au second plan dans la littérature occidentale et les fictions sentimentales…

L’identité féminine en seconde position

La maîtresse qui veut prendre la place de l’épouse ou la seconde épouse qui peine à remplacer la première, les romans regorgent de situations de ce genre. De Charlotte Brontë à Marguerite Duras, d’Honoré de Balzac à Delly ou d’Henry James à Daphné Du Maurier, ces auteurs de romans qui ont enchanté nos lectures et nos rêveries sentimentales ont imaginé des femmes au second plan pour créer cette atmosphère romanesque sans que nous ayons pris garde. Exemple avec Jane Eyre qui, n’ayant pas de place dans la société de son époque, devra attendre d’être devenue adulte pour exister enfin dans un foyer après avoir été une orpheline recueillie par sa tante. Ces flottements identitaires servent de base à l’imagination des romanciers qui trouvent là matière à élever leurs héroïnes dans l’échelle sociale et à nourrir les sentiments qui naîtront de ces inégalités.

©Femmes dans les romans qui êtes-vous - Mid&Plus

Histoires de filles sans histoires

Pour devenir une femme dans un roman, il faut un changement physique, la beauté qui succède aux traits insignifiants, un changement de statut social, de jeune vierge, elle devient épouse et quitte le monde de l’innocence pour entrer dans un monde sexué. Et elle est enfin regardée car elle est consciente du pouvoir de son genre, elle se sacrifie pour devenir l’épouse d’un homme et perdre sa liberté ou elle renoncera au sexe et restera vierge toute sa vie pour défendre une cause. Ou comme chez Colette, avec les amours saphiques, où l’on entre dans le monde des femmes mûres, célibataires, mariées ou bisexuelles, mais dans un espace romanesque appauvri. Chez Tolstoï, l’héroïne rencontre son héros dès le plus jeune âge, mais ce n’est que plus tard, encore vierge et en attente d’un mari, qu’elle sera soit la seconde, l’illégitime, ou renoncera à l’amour en restant célibataire à vie.

La vertu ou la vérité

Chez Émile Zola, on fait un bon usage de la vertu en attendant l’homme qu’on aime sans se donner à lui avant le mariage. Autres temps, autres mœurs, dans les romans dits à l‘eau de rose, ou romans de gares, comme on les appelle familièrement, c’est la probité, le renoncement ou le respect qui finira toujours par l‘emporter. La jeune fille de petite extraction se fera remarquer par l’aristocrate qui l’épousera car il surmontera les différences sociales pour ne voir en elle que ses qualités. D’Autant en emporte le vent de Margaret Mitchell où le bal sera le déclencheur des sentiments, comme une mise en scène du marché matrimonial local aux romans de Jane Austen où le cynisme le dispute au véritable amour, la frontière est ténue.

©Femmes dans les romans qui êtes-vous - Mid&Plus

Influence ou conversion

Les héros des romans d’amour ont aussi leur part de responsabilité, ils se laissent influencer par leur entourage, par leur rang dans la société ou par l’argent. Alors certaines iront jusqu’à supprimer celui qui ne veut pas d’elles ou celui qui les a contraintes à une vie qu’elles ne souhaitent pas. Les mariages de raison ont fait leur temps, même dans les romans, les prostituées sont moins présentes, les infidélités plus secrètes et les couvents n’accueillent plus les malheureuses. Mais il y a les secondes épouses qui raflent fortune, rang et les enfants en prime. Et celles qui sont atteintes du syndrome d’Anna Karénine où les femmes adultères préfèrent que leur époux se détache d’elle et renoncent ainsi à leur propre existence. Et enfin, il y a les veuves joyeuses, les concubines scandaleuses, les épouses frondeuses, les veuves dangereuses, les femmes bannies, les épouses punies et les rivales orgueilleuses.

Sans parodier Lacan qui dit que « les femmes n’existent pas », gageons que les romanciers vont tout faire pour leur donner une identité nouvelle et faire en sorte qu’elles soient aimées pour elles-mêmes et non pas pour ce qu’elles représentent !

Vicky Sommet

États de femme. L’identité féminine dans la fiction occidentale de Nathalie Heinich aux éditions Gallimard (1996).

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