Les Parisiens sont familiers de ce palais du XVIIIe siècle dont la façade orne la partie nord-est de la place de la Concorde¹. Souvent, ils en connaissent le nom. Mais peut-être un peu moins sa destinée. Partons à la découverte de ce lieu emblématique de Paris, témoin de l’histoire de France.
Le Garde-meuble royal
En 1748, on souhaite honorer Louis XV et ériger une statue dédiée à sa gloire ; mais quel écrin choisir ? Pendant que Bouchardon sculpte son œuvre, plusieurs architectes réfléchissent au projet et une simple esplanade de terre battue, sans fonction, située au bout des Tuileries retient l’attention d’Ange-Jacques Gabriel, le premier architecte du roi. La proposition est adoptée et la place Louis XV voit le jour ; deux palais jumeaux de part et d’autre de la rue Royale sont édifiés. Dans les années 1770, le Garde-Meuble royal investit les murs du palais situé à l’est. Cette institution achète et entretient le mobilier du roi ainsi que les tapisseries, les bijoux, les armes, le linge,… Les intendants maîtres des lieux y jouissent d’un luxueux appartement de fonction. Messieurs de Fontanieu et de Ville-d’Avray figurent parmi les heureux élus à cette prestigieuse charge de Contrôleur Général du Garde-Meuble. Le premier s’emploie à l’aménagement de l’Hôtel en organisant des galeries d’exposition, des appartements, des ateliers ainsi que des entrepôts. Il y regroupe dans un raffinement extrême toute l’excellence française. Le second travaille à la mise en place d’une régie.
Une nouvelle vie
La Révolution va bousculer ce bel ordre en place. Symbole de l’Ancien Régime, le Garde-Meuble est dans un premier temps purement et simplement supprimé en 1793. Une partie des meubles et objets d’art est vendue aux enchères ou brûlée, notamment pour en récupérer les métaux précieux jusqu’en 1798. La Marine investit l’ensemble du bâtiment en 1799, remodèle le lieu en fonction de ses besoins et donne son nom d’Hôtel de la Marine. Elle y siège jusqu’en 2015. Le ministère ayant quitté les lieux, l’hôtel rejoint le Centre des Monuments Nationaux qui entreprend une restauration et surtout une restitution de l’état premier ; par chance les peintures d’origine dormaient sous les couches plus récentes et on a pu effacer les traces du passage du ministère de la Marine. Après quatre années de travaux renaît l’époque du Garde-Meuble de la Couronne pour le grand plaisir des visiteurs qui découvrent les appartements et lieux de réception initiaux remarquablement restitués.
Une exposition prestigieuse
Impossible d’évoquer l’Hôtel sans parler de la prestigieuse collection Al Thani du Qatar qui redonne au lieu sa fonction initiale. Cette première exposition temporaire intitulée « Trésors de la Collection Al Thani » met en lumière environ 120 œuvres issues de la Collection et réunit des pièces exceptionnelles allant de l’Antiquité au XIXe siècle. Elle présente des œuvres majeures de différentes civilisations, de véritables chefs-d’œuvre. Dans une mise en scène éblouissante, une tête de pharaon de la XXVIIIe dynastie en jaspe rouge côtoie une sculpture chinoise de la dynastie des Han représentant un ours. Plus loin un pendentif maya en forme de masque datant de 600 ans après J.C. cohabite avec la contemplatrice d’étoiles dite de Schuster. Cette collection présentée lors d’expositions temporaires est désormais abritée de façon un peu plus permanente en plein cœur de Paris. Pour prolonger ce moment hors du temps, Jean-François Piège offre une pause méditerranéenne dans son repaire ensoleillé baptisé Mimosa.
Brigitte Leprince
Mid&Ouest
¹La célèbre place a connu plusieurs dénominations en fonction des régimes politiques avant de devenir la place de la Concorde.