Julia Pirotte, au coeur des combats du XXe siècle

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Elle a fixé sur la pellicule des visages, des scènes de vie et des scènes de guerre. Juive, communiste et résistante, la photographe polonaise Julia Pirotte (1907-2000) a parcouru le siècle avec son appareil photo Leica.

Fille d’un mineur juif, Gina Diament naît à Kónskowola en Pologne. Militante progressiste au sein de la Jeunesse communiste, elle est condamnée, à l’âge de 17 ans, à quatre ans de prison. En 1934, elle fuit le nazisme, aidée par le Secours rouge international, pour rejoindre sa sœur, Mindla Diament¹, réfugiée en France depuis un an. Malade, elle s’arrête à Bruxelles, où elle rencontre son futur mari, Jean Pirotte, ouvrier et syndicaliste. Elle obtient la nationalité belge et prend le nom de Julia Pirotte. Ouvrière dans une entreprise de construction, elle devient la porte-parole de ses collègues pendant les mouvements sociaux de 1936.

La résistante belge Suzanne Spaak², ayant lu ses articles dans des revues syndicales, lui suggère d’entreprendre des études de photographie et lui offre un Leica III. Julia fait son premier reportage photographique sur les mineurs polonais de Charleroi. En mai 1940, suite à l’invasion de la Belgique par l’Allemagne, Julia s’exile à Marseille, où elle travaille comme volontaire dans une usine d’aviation, puis comme photo-reporter pour la presse locale. Elle photographie les conditions de vie précaire des habitants du Vieux-Port et, pour la revue Dimanche illustré, des vedettes en tournée, tout en étant, avec sa soeur, agente de liaison au sein de l’organisation « La Main d’œuvre immigrée » du détachement Marat des Francs-Tireurs et Partisans. Elle documente ainsi les actions des maquis (sabotage d’une voie ferrée près de Gardanne, déplacements des maquisards dans la région) et prend en photo les femmes et enfants juifs internés au camp de Bompard en août 1942, avant leur déportation à Auschwitz. Le 21 août 1944, elle est présente aux côtés des insurgés pendant la prise d’assaut de la préfecture et photographie la libération de Marseille.

De retour dans son pays natal en 1946, elle est la seule à documenter le pogrom de Kielce. Ses photographies nous laissent aussi des témoignages sur les convois de rapatriement des mineurs polonais de France et la reconstruction de son pays.

Avec une centaine de tirages originaux et contemporains, le Mémorial de la Shoah à Paris présente une rétrospective de son oeuvre. Les ruines du Ghetto de Varsovie en 1946 côtoient des portraits de Picasso et d’Éluard, lors du Congrès mondial des intellectuels pour la paix à Wrocław en 1948, de travailleurs agricoles en Israël et même d’Édith Piaf…

Marie-Blanche Camps

¹Qui fut arrêtée en 1942 et transférée en Allemagne, où elle est torturée et guillotinée en 1944.
²Qui fut torturée et fusillée à Fresnes en 1944.

Pour en savoir plus : Exposition « Julia Pirotte, photographe et résistante » – Mémorial de la Shoah, 17 rue Geoffroy L’Aubier, Paris IVe. Du dimanche au vendredi, de 10h à 18h, nocturne le jeudi jusqu’à 22h. Jusqu’au 7 janvier 2024. Entrée libre.

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