Le Musée des Arts Décoratifs à Paris propose, jusqu’au 15 mai 2022, un voyage dans les années 1950, à l’occasion de l’exposition « Le design pour tous : de Prisunic à Monoprix, une aventure française ». Quand la nostalgie frappe à notre porte…
Je suis plutôt une fille Prisunic
On disait « aller au Prisu », plus tard on dira « aller au Monop ». Je suis plutôt une fille Prisunic. Le mien a trôné là, en plein centre-ville, pendant mes années de jeunesse. J’y ai même travaillé un mois de juillet et aux ouvertures exceptionnelles du jeudi soir, appelées nocturnes, du jamais vu ! Il fallait bien lutter contre les Mammouth et autres Carrefour qui commençaient à envahir nos plaines et les entrées de ville et devenus un lieu de promenade hebdomadaire, car on y trouvait de tout au même endroit, sous nos yeux écarquillés et admiratifs : des monceaux de disques, livres, appareils ménagers, télévisions couleur… et des denrées alimentaires en profusion et sur-profusion, la société de consommation, quoi !
On trouvait aussi plein de choses à Prisunic ! Et j’y ai un peu appris la vie quant à l’usage de la pointeuse et au dur labeur des employés, la caisse, le chargement des charriots et le remplissage des rayons sous les yeux de Madame Lebrun, qui surveillait nos heures d’arrivée et de départ et notre bon comportement d’un œil d’aigle. Mais j’ai adoré travailler au rayon parfumerie le jeudi soir, au contact du client avec une caisse manuelle vieux genre qui affichait les montants dans des petits carrés, on avait l’impression de jouer à la marchande.
Le design pour tous
Aux Arts Décoratifs, on nous raconte l’histoire du design pour tous à travers deux des plus grandes enseignes de la grande distribution d’objets du quotidien qui ont su le démocratiser : Prisunic, puis Monoprix. Elle retrace à travers plus de 500 œuvres (mobilier, objets et affiches publicitaires), cette aventure créative et engagée, que résume le slogan devenu culte : « Le beau au prix du laid » et raconte une aventure créative et graphique qui a marqué l’histoire du design en France. Née en 1931, la chaîne de magasins Prisunic introduit en France, dès 1946, le marketing selon le modèle américain et a su populariser, dès la fin des années 1950, le mobilier et l’habillement contemporains de qualité. L’enseigne impulse les premières collaborations avec des créateurs. S’y côtoient les grands noms du design et du graphisme, parmi lesquels Terence Conran qui participe au premier catalogue de vente par correspondance en 1968 présentant mobilier, luminaire et vaisselle que l’enseigne met habilement en scène.
En 1997, Prisunic fusionne avec Monoprix, animé par une volonté égale de rendre le design accessible à tous encore bien vivante. Ne ratez pas les affiches publicitaires tellement drôles et très inspirées, entre celle pour le lait (« Lait interdit d’interdire »), ou pour les quiches (« Quiche and Love ») ou encore celles du confinement (« Nous sommes de nouveau autorisés à vous vendre des accessoires de cuisson, c’est un virage à 180° » ou « thermostat 6 ». L’expo est déployée au sein des collections permanentes, ce qui permet de mieux comprendre les confluences entre ce qui relève officiellement de l’art et de la consommation courante… la frontière est parfois bien mince.
Au fait, mon Prisunic a fini par vendre son enseigne à un Casino, plus grand et un poil déshumanisé où je ne vais pas très souvent. Lorsque j’ai demandé ma retraite, je me suis aperçu que le directeur du magasin, plutôt bonhomme, qui m’avait engagée, avait bien fait les choses, j’avais été déclarée et cela faisait partie de mon parcours professionnel même si cela ne m’a pas rapporté beaucoup de points. Et lorsque j’ai vidé l’appartement de ma mère il y a quelques années, j’y ai encore retrouvé quelques sacs Prisunic, vous savez ceux en jaune et rouge représentant comme une sorte d’escargot. Ils étaient un peu usés, mais peuvent encore servir !
Anne-Marie Chust
EXPO Le design pour tous : de Prisunic à Monoprix, une aventure française, Musée des Arts Décoratifs, jusqu’au 15 mai 2022.