Et la conclusion d’une prouesse de la nature, rayons de soleil reflétés par les gouttes d’eau après l’orage, un phénomène mystérieux¹ et une couleur aux nuances profondes encore plus énigmatique que les autres.
La couleur de nos souvenirs
On dit que nos souvenirs ont une couleur. Je me rappelle de l’encre violette à l’école, celle qui tâchait les doigts, les blouses et qui faisait faire de gros pâtés sur les copies lorsque nous ne maîtrisions pas tout à fait les pleins et les déliés. Je n’ai su d’ailleurs que très récemment qu’on préférait cette fameuse encre violette à l’encre noire parce que préparée avec un colorant à l’aniline qui corrodait moins la plume de nos porte-plumes… Cette année 2020 qui devient un souvenir lancinant ne serait-elle pas aussi violette ? Couleur ambigüe, ni tout à fait noire, ni tout à fait pourpre ou bleue, n’est-elle pas aussi une couleur de pénitence ? Portée par l’ensemble du clergé en tenue liturgique pendant les période de jeûne ou quelquefois utilisée par les confréries de repentants (une tenue un peu KKK d’ailleurs). Et puis, il y a ce côté demi-deuil, ce vêtement de couleur violette qui signifiait un deuil atténué, soit par la distance de la parenté, soit par le temps : grand chagrin noir ou demi-chagrin violet…
Couleur spirituelle
Le violet est une couleur modeste (regardez la timide violette) et parfois un symbole de tristesse mais il évoque aussi la noblesse (les rois aimaient le porter) et la spiritualité. On l’aimait déjà à la Renaissance et on en faisait une analogie sonore et lumineuse et, ma foi, plutôt passionnelle d’ailleurs : « L’Amour et la foudre sont flammes, De l’ardente fureur des cieux, Qui violentes à nos âmes, Sont violettes à nos yeux. »² Et les ultra-violets ? Inodores et sans saveur mais qui, s’y on n’y prête pas garde, peuvent vous donner une peau pourpre et parfois même violacée. Et puisqu’on parle d’activités en plein air, n’oublions pas nos peintres symbolistes et impressionnistes qui appréciaient le violet pour ses tons subtils qui, selon eux, exprimaient sans pareil la lumière du soir, équilibre entre l’ici-bas et l’au-delà.
Et la mode, dans tout ça ? Au 19ème siècle la découverte de notre colorant cité plus haut eut des conséquences industrielles considérables et lança une tendance des tons pourpres, mauves et violets jusqu’à nos jours, en passant par des périodes psychédéliques, comme celle de la créatrice de mode Vivianne Westwood et ses tartans ou prince-de-galles violacés.
La couleur des féministes
Le mauve devient aussi un symbole des féministes, déjà choisi par les suffragettes au début du 20ème siècle qui portaient des rubans de cette couleur épinglés à leurs vêtements, le violet caractérise désormais les mouvements luttant pour l’égalité entre hommes et femmes. D’ailleurs, souvenez-vous de Jill (Biden), Kamala (Harris) et Hillary (Clinton), toutes en violet, à la journée d’investiture de Joe Biden… Moi, plutôt qu’un symbole de conquête et de compétition, j’y vois plutôt une envie de « fusion égalitaire ». En effet, prenez de la peinture rose bonbon comme les filles et de la peinture bleu ciel comme les garçons, mélangez les deux, vous obtiendrez… du violet !
De ses teintes qui se déclinent à l’infini, nous n’en retiendrons que quelques-unes de la couleur de nos souvenirs : le mauve d’un couchant (et d’un levant) pur et doux à la fois, les champs ondulant de lavande et l’odeur du lilas au printemps.
Anne-Marie Chust
¹Découvert par Newton
²Chanson à une belle portant une parure violette, 1606.