Que lit-on pendant ce temps de confinement ? Contemporain, classique, français, étranger, évasion assurée… Le choix de l’équipe de Mid&Plus est une fois de plus le juste reflet de l’esprit qui anime notre site : curieux et éclectique !
♦ Richesse oblige d’Hannelore Cayre (Éditions Métailié, avril 2020)
par Vicky Sommet
C’est un polar, mais qui a ceci d’inhabituel qu’il se déroule sur deux siècles. Pourquoi ? Simplement parce que l’héroïne va jouer les détectives pour percer les secrets de ses aïeux, la fortune qui s’y rattache et son lien de parenté pour trouver sa place dans l’arbre généalogique de la famille. Pour y parvenir, elle utilise des ruses de sioux, des subterfuges improbables et des identités toutes plus fausses les unes que les autres jusqu’à trouver enfin la sienne. Un roman à cent à l’heure et un pan de notre histoire, réel cette fois, où pour ne pas partir à la guerre, on payait un homme de basse condition pour aller se faire tuer à votre place. D’où le titre car l’argent peut aussi faire le bonheur !
♦ Reflets en eau trouble de Joyce Carol Oates (Actes Sud, 2001)
par Michèle Robach
Joyce Carol Oates décrit un « fait divers » qui a marqué l’histoire des États-Unis. Ted Kennedy s’éclipse d’une soirée arrosée sur l’île de Chappaquiddick (Massachusetts) en juillet 1969 avec une jeune collaboratrice. Il rate un virage et sa voiture atterrit dans une rivière. Il s’en extrait et prend la fuite laissant sa passagère mourir lentement, accompagnée de ses seuls souvenirs qu’elle nous livre entre deux suffocations. Dix heures après l’accident, non sans avoir consulté un avocat, Kennedy signale l’accident. Protégé par ses relations, il s’en tire avec une peine allégée. Toutefois, cet évènement tuera ses aspirations à la présidence des États-Unis. Un roman sombre et puissant sur la séduction ou plutôt sur la façon dont les prédateurs rencontrent leurs victimes, sur l’éthique personnelle, le déclin moral de la société américaine.
♦ Coup de vent de Mark Haskell Smith (Gallmeister, 2019)
par Christine Fleurot
Pour le titre : quand il y a pétole dans son canapé, une risée littéraire décapante. Pour le genre : un polar noir, une course-poursuite haletante et sanglante. Pour la structure narrative : le roman commence par une scène finale. Pour le thème : un brillant golden boy réalise une arnaque géniale et dans sa fuite se retrouve marqué à la culotte par de fins limiers, tous épris de liberté… et d’argent. Pour la situation géographique : entre Wall Street et les Caraïbes. Pour le style : caustique, cru et bien déjanté. Pour la morale : pas une once, juste quelques égratignures à l’encontre du monde de la finance. Juste jouir du moment présent !
♦ Les intermittences de la mort de José Saramago (Seuil, 2008)
par Anne-Claire Gagnon
Dans un pays sans nom, un événement extraordinaire plonge la population dans l’euphorie : la mort s’est mise en grève. Avec son titre aussi insolite que son pitch, Les intermittences de la mort, l’ouvrage m’a longtemps contemplée depuis ma table de chevet, sommeillant d’un œil. Je l’ai commencé en décembre, en buttant sur l’absence de ponctuation, inconcevable pour un Nobel de littérature. Mi-mars, soudain, je l’ai repris, ai compris le pourquoi du comment des minuscules et majuscules et ai découvert un sujet éternel, des questions infinies auxquelles nous sommes désormais confrontés sans que le scénario de notre époque soit aussi remarquablement construit ni aussi émouvant que celui imaginé par José Saramago. À lire maintenant !
♦ La fiancée de l’Amérique de Lætitia Rice (Librinova, 2020)
par Agnès Brunel
Parce que c’est un premier roman réussi, parce qu’il commence par le « confinement » dans un grenier d’une jeune résistante, parce qu’il relate un épisode méconnu de la deuxième guerre mondiale, il faut lire cette épopée. On suit, sans le lâcher, le destin de Violette tombée amoureuse d’un aviateur américain pendant la guerre, perdu de vue et qu’elle n’aura de cesse de retrouver après. On découvre le « War Brides Act » qui permit à 100 000 jeunes femmes, fiancées ou mariées à des américains pendant le conflit, d’immigrer dans des conditions souvent difficiles pour rejoindre, avec plus ou moins de succès, leur amour et l’Amérique. Une superbe fresque historique sur une période de l’histoire tourmentée et méconnue.
« Anglaises, Françaises, Allemandes, Italiennes, Australiennes, Néerlandaises… Elles ont été des milliers à quitter les rivages familiers de leur jeune vie pour rallier l’Amérique et retrouver un homme presque inconnu qui les avait éblouies de sa différence et leur avait promis un avenir clair. »
♦ Le chapeau de Vermeer de Timothy Brook (Payot, 2010)
par Anne-Marie Chust
Les tableaux de Vermeer nous hantent par leur beauté et leur mystère. À partir de cinq de ses tableaux, d’un tableau de son contemporain Van der Burch et d’une faïence, le monde en mutation du XVIIe siècle nous est dévoilé dans ce livre magnifique. Une simple jatte de fruits dans La Liseuse à la fenêtre nous entraîne sur les routes du commerce maritime de la fameuse porcelaine bleu et blanc de Chine, tandis qu’un somptueux chapeau de feutre dans L’Officier et la jeune fille riant nous mène au Canada jusqu’aux fourrures de castor que Samuel Champlain soutire à ses alliés hurons. Au total, sept voyages fascinants pour nous révéler l’ampleur des échanges culturels et commerciaux entre Est et Ouest à l’origine de notre mondialisation. Ce livre brillant et singulier et sa fascinante approche d’histoire culturelle nous donne les clés pour comprendre le passé, le présent (et le futur ?).
♦ Anna Karénine de Léon Tolstoï (1877) (Pocket, 2012)
par Marie-Hélène Cossé
Le meilleur remède à l’ennui du temps du confinement, s’il existe, ne serait-il pas d’alterner le lecture de grands classiques à celle de romans contemporains ? Parmi ceux-là, Anna Karénine occupe une place de choix ! Qui n’a pas essayé de s’attaquer à ce « pavé » (plus de 800 pages) à un moment de sa vie ? Le temps est ici propice à la lecture de la « coupable » passion qui lie Anna au Comte Vronski. Anna n’est pas une rêveuse romantique comme Emma Bovary. Elle donne toute sa vie à son amant au mépris de la société dont elle est issue. Paru en France pour la première fois en 1885, ce roman envoûtant considéré comme un chef d’œuvre de la la littérature marque l’entrée triomphale de la littérature russe dans la culture européenne et occupe avec Belle du Seigneur d’Albert Cohen une place particulière dans mon cœur !