Lee Miller, une artiste dans la guerre

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Artiste, belle, grande voyageuse, mannequin, muse de Man Ray, Lee Miller était aussi et avant tout, photographe. C’est aux images qu’elle réalisa en tant que correspondante de guerre, pour Vogue qu’une exposition est consacrée à Londres. Pas n’importe quelles images : Lee Miller s’intéresse particulièrement aux femmes.

Penchée vers l’avant, vêtue d’un ensemble à pois, la tête ornée d’une choucroute savamment élaborée, la eune fille souriante semble sortir d’un reportage sur les tendances de l’été 44. C’est une FFI photographiée au moment de la libération de Paris. Tout l’art de Lee Miller, correspondante de guerre, est là : elle voit les femmes au cœur du conflit et les sublime comme s’il s’agissait encore d’une histoire de beauté et de sex appeal. Ce n’est pas tout à fait un hasard, Vogue (G.B.) pour lequel elle travaille, participe à sa manière à la propagande de guerre : il s’agit de montrer que les femmes au travail, même habillées d’un bleu, peuvent être élégantes tout en participant à l’effort national et en respectant les consignes gouvernementales (cheveux courts, vêtements utilisant un minimum de tissu et pas de colifichets).

Lee Miller s’intéresse à l’impact de la guerre sur la vie des femmes.  Non seulement les tracas de la vie quotidienne, mais aussi le changement de statut apporté par le conflit. Alors que les hommes sont au front, les femmes les remplacent et s’émancipent. C’est la deuxième fois en 40 ans (le mouvement avait commencé pendant la première guerre mondiale) et cela scelle une transformation inexorable de la société. Résidant en Grande-Bretagne, elle couvre d’abord la période 39-44, le Blitz, la façon dont les femmes participent à l’effort de guerre (80 % des femmes mariées et 90 % des femmes célibataires britanniques sont engagées). En 1944, la voilà correspondante de guerre officielle. Elle part pour le continent derrière les troupes américaines (elle est née aux U.S.A.). Désobéissant aux ordres, elle monte en première ligne et photographie les combats, la libération de Paris. Là, son style évolue : si Lee Miller ne photographie jamais les femmes en mouvement, sa caméra se fait moins distante… On sent son empathie avec les personnages qu’elle rencontre.

Une expérience traumatisante dont elle sortira dépressive. Arrivée à Buchenwald et Dachau en même temps que les GIs, elle n’hésite pas à photographier l’horreur et supplie Vogue de publier ses images. Ce qui sera fait. Lee poursuit sa route en Europe de l’Est et témoigne, là encore, des ravages de la guerre. Elle ne sortira pas indemne d’une telle expérience. De retour en Grande-Bretagne, Lee Miller photographie les grands artistes de son temps, devient la fine cuisinière de dîners surréalistes mais finit par plonger dans l’alcool et la dépression. Elle meurt d’un cancer en 1977. Ce n’est que bien des années plus tard, qu’en rangeant le grenier, son fils unique, ignorant les activités de sa mère pendant la guerre, tomba sur des cartons remplis de photographies.

Isabelle Haynes
Mid&Londres

Imperial War Museum-London jusqu’au 24 avril
Métro : Lambeth North -Ouvert tous les jours: 10h-18h -Entrée 10 £, tarif réduits applicables

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