Plumes norvégiennes

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La Norvège propose une littérature riche, foisonnante, allant de la poésie aux policiers en passant par les romans et la littérature pour enfants. Si elle connait d’immenses écrivains comme Bjornstjerne Martinus Bjomson, Henrik Ibsen, Jonas Lie et Alexander Kielland, les femmes ne sont pas en reste qui ont aiguisé leur plume et comblé les lecteurs.

Au XIXe siècle qui n’est pas tendre pour les femmes, pas plus dans les pays nordiques qu’ailleurs, s’émanciper peut-être l’œuvre de toute une vie. Quelques femmes exceptionnelles, au tempérament fort, éperonnées par une solide rage de vivre, ont cherché à briser l’asservissement du foyer et des corvées domestiques. La réflexion sur la condition féminine et son éternel combat est le point commun des oeuvres des quatre femmes dont il est ici question.

Camilla Collett (1813-1895) est une romancière à l’éducation bourgeoise, grande voyageuse et grande amoureuse révoltée par la domination masculine ; elle est une féministe convaincue et prône l’émancipation des femmes. Elle tient un petit cercle littéraire et déplore une certaine « régression »  de la condition féminine au milieu du XIXe siècle. Ses livres les plus remarquables sont Les filles du préfet en 1854 et Au camp des muettes. Leur publication est un véritable coup de tonnerre. Ses idées très avant-gardistes sont même reprises par Henrik Ibsen. Audacieuse, cultivée et moderne, elle mérite une place parmi les grandes femmes de lettres de son siècle.

Sigrid Undset (1882-1949) s’est vue décerner la récompense suprême, le Nobel de littérature en 1928. Alors que la nouvelle figure féminine est celle qui travaille, Sigrid, qui est catholique, condamne l’amour libre et se positionne à contre-courant en pensant que la femme s’épanouit exclusivement dans la maternité et que le foyer est à protéger de façon inconditionnelle ; ceci lui vaut la désapprobation des féministes mais, en vieillissant, elle reconnaît les bénéfices de l’affranchissement de la tutelle masculine. Parmi la trentaine de romans retenons Jenny en 1911. La violence masculine y est déjà présente et le récit questionne sur la liberté de choisir la vie dont dispose une femme. Ou bien Kristin Lavransdatter, trilogie publiée entre 1920 et 1922. Quelle héroïne du XIVe siècle norvégien ! Une séduction indiscutable et un récit passionnant.

Herbjorg Wassmo (1942- ), contemporaine qui consacre aussi ses récits aux femmes et particulièrement à des femmes fortes aux prises avec des carcans familiaux. Elles revendiquent leurs libertés alors que les trois missions de la femme sont la charge du foyer, l’éducation des enfants et les désirs de l’homme. Surnommée « La reine des sagas », Herbjorg a successivement écrit La trilogie de Tora en 1981 qui balaie l’enfance, l’adolescence et la condition féminine avec justesse et élégance et l’immense Livre de Dina de 1989 à 1997 dont le destin aussi intense que tragique a été porté à l’écran.

Enfin, Tove Nilsen (1952- ) pour laquelle j’ai un petit faible. Elle est à la fois romancière, auteure pour la jeunesse et critique littéraire. En 1974 sort Ne les laisse jamais te déshabiller sans te défendre consacré à l’oppression des femmes dans le domaine sexuel et au droit à l’avortement. Mon coup de cœur va aux Anges des gratte-ciel paru en 2006 dans lequel nous retournons dans la société norvégienne des années 1960 et partageons les émois d’une jeune adolescente.

Ces quelques lignes seront une mise en bouche pour certaines, un plat de résistance pour d’autres, mais dans tous les cas un dessert succulent pour toutes les lectrices exigeantes et curieuses !

Brigitte Leprince

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