Mon classique préféré

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« Nous sommes les enfants des livres qu’on a aimés » formulait justement l’écrivaine Lola Lafon lors de son récent passage à la Grande Librairie. Les rédactrices de Mid&Plus vous dévoilent leur lien intime, initiatique ou fondateur avec un titre classique de leur bibliothèque.

♦ « La bête humaine » d’Émile Zola (1890)
par Vicky Sommet

Parmi mes auteurs favoris, ceux qui ont fait naître en moi le plaisir de découvrir la littérature qu’on n’enseignait pas à l’école, figure Émile Zola dont j’ai dévoré toute l’œuvre, avec une préférence pour La bête humaine. Une histoire avec deux héros, le mécanicien Jacques Lantier et sa locomotive, la Lison, qu’il aime plus qu’une femme. Quelle ne fut pas ma déception, en visitant la maison de Zola à Médan, de voir cette petite ligne de chemin de fer qui court en bas de son jardin et qui, avec son talent d’écrivain, est devenue un parcours fréquenté par de grosses machines fumantes et bruyantes. Mieux encore, j’ai pu y rencontrer son petit-fils, sur les genoux duquel je me suis assise (avec son autorisation) pour copier le petit garçon qui s’asseyait sur les genoux de son grand-père Émile. Une plongée dans le passé pleine d’émotions !

« Belle du Seigneur » d’Albert Cohen (1968)
par Marie-Hélène Cossé

La folle histoire d’amour d’Ariane et Solal sur fond d’années 1930 est pour moi le chef-d’œuvre de la littérature amoureuse de notre époque, celui de toute une existence, mon livre de chevet. Ce pavé (1000 pages !), sublime pour les uns, mortellement ennuyeux pour les autres, met plus de trente ans à voir le jour, présenté un beau jour de 1967 par un Albert Cohen septuagénaire à un Gaston Gallimard octogénaire… Qui n’ a pas vibré au célèbre passage sans ponctuation du début du roman, à la formidable caricature des hauts fonctionnaires de la Société des Nations passant leurs journées à empiler des dossiers inutiles ou tailler des crayons, ou bien encore à la description de ces personnages fascinés par leur apparence, précurseurs de nos selfies d’aujourd’hui ? Belle du Seigneur ou l’hymne de la passion impossible, de l’érosion des sentiments et de l’ennui altérant le couple jusqu’à la brutale et tragique destinée des amants.

« Solennels parmi les couples sans amour, ils dansaient, d’eux seuls préoccupés, goûtaient l’un à l’autre, soigneux, profonds, perdus. Béate d’être tenue et guidée, elle ignorait le monde, écoutait le bonheur dans ses veines, parfois s’admirant dans les hautes glaces des murs, élégante, émouvante, exceptionnelle, femme aimée, parfois reculant la tête pour mieux le voir qui lui murmurait des merveilles point toujours comprises… »

« La Princesse de Clèves » de Madame de La Fayette (1678)
par Brigitte Leprince

Ce roman publié à la fin du XVIIe siècle est incroyablement moderne, il est d’ailleurs considéré comme le premier roman d’analyse psychologique. C’est probablement une des raisons de mon attrait pour le récit de Madame de La Fayette que j’ai eu un immense plaisir à relire. Les sentiments et les valeurs humaines sont explorés avec une grande finesse : l’amour, la vertu, la passion, la jalousie, le renoncement, la morale. La Princesse de Clèves, mariée au Prince de Clèves, tombe amoureuse du duc de Nemours et doit gérer cette passion adultère. La morale tellement forte l’empêchera même de succomber à sa passion une fois veuve. Si ce n’est déjà fait, lisez cet ouvrage qui vous fera découvrir la cour d’Henri II et ses personnages aux relations complexes.

♦ « Madame Bovary » de Gustave Flaubert (1857)
par Michèle Robach

Type d’œuvre qui a donné un nom à une configuration humaine profonde : le bovarysme, Madame Bovary est davantage qu’un roman, c’est une invention. Ce qui passionne c’est la dramaturgie du récit qui débute par l’émerveillement d’Emma, « j’ai un amant », passe par l’écho sinistre de l’opération du pied bot de son mari Charles et finit sur une catastrophe (le suicide), le tout se jouant à travers des évènements successifs intenses parfois sensuels mais le plus souvent cinglants et terribles. Flaubert décrit la condition des femmes de son siècle et la souffrance qui s’y rapporte, même si il décrit la détresse d’Emma sans jamais la nommer, ni directement ni par les personnages qui l’entourent. À travers l’univers intime d’Emma, c’est l’universalité du singulier que nous découvrons. Flaubert n’a-t-il pas écrit « […] et le cœur que j’étudiais, c’était le mien »¹.

¹Lettre qu’il adresse à Louise Colet le 3 juillet 1852.

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