Autant de livres que de regards… Huit suggestions de titres à lire pendant l’été, parfait reflet de l’esprit curieux et éclectique de notre équipe. Bonne lecture !
♦ Les garçons de l’été de Rebecca Lighieri (Collection Folio n° 6470, Gallimard, €8.50, 2017)
par Christine Fleurot
Paru en 2017, ce roman signé Rebecca Lighieri (pseudo de la talentueuse Emmanuelle Bayamack-Tam) est loin d’être une bluette estivale. Même si vous ne connaissez rien au milieu surfeur, laissez-vous plonger (ou non) dans cette histoire chorale d’une famille idéale dont la vie tourne autour de ce sport solaire pratiqué par ses deux fils brillants (Abel et Caïn ?) et qu’un événement dramatique va emporter dans un sombre maelström. Des spots de la Réunion à ceux de Biarritz, chaque personnage révèle sa part d’ombre. De la légèreté des premières pages façon chicklit à l’épilogue bien trash, façon thriller, la lecture de ce récit bien salé décoiffe !
♦ La saga des Cazalet, vol. 1 : Étés anglais d’Elizabeth Jane Howard (Éd. Quai Voltaire, 558 p., €24, mars 2020)
par Marie-Hélène Cossé
Vous avez aimé les Crawley racontés par Julian Fellowes dans Downtown Abbey ? Vous aimerez les Cazalet ! Jolie chronique intime d’une famille de grands bourgeois sur trois générations, entre Londres et la campagne du Sussex, sur fond de rumeur de deuxième guerre mondiale (ce premier volume se déroule en 1937-1938). Le deuxième tome paraîtra en octobre. Belle saga rendant notamment hommage à la résilience des femmes, qu’elles soient épouses, fillettes ou domestiques. L’ample succès de l’édition originale en Angleterre, The Cazalet Chronicles, fut suivi d’une adaptation en série télévisée (2001).
♦ La commode aux tiroirs de couleurs d’Olivia Ruiz (Éditions JC Lattès, juin 2020)
par Anne-Marie Chust (en souvenir de ma mère)
Ce livre signe l’entrée en littérature d’Olivia Ruiz, artiste aux multiples facettes et « femme chocolat ». À la mort de son « abuela »¹, la narratrice hérite d’une commode au 9 tiroirs de couleurs que sa grand-mère appelait ses « renferme-mémoire ». Cette commode lui révélera les nombreux secrets qui ont scellé le destin de plusieurs générations de femmes entre France et Espagne. L’histoire des 400 000 réfugiés espagnols qui ont fui la guerre civile, à travers la vie de Rita, sa grand-mère, et ses deux sœurs. La difficulté de s’adapter, le manque du pays, de cette vie qui n’est plus, mais aussi la résilience et l’intégration. Un roman débordant de passion et d’énergie, car « se taire et brûler de l’intérieur est la pire des punitions qu’on puisse s’infliger » disait Federico Garcia Lorca.
¹abuela : grand-mère en espagnol
♦ Blanc Mortel de Robert Galbraith (Grasset et Livre de Poche, 2019 – traduction de Legal white paru chez Sphere)
par Marie-Blanche Camps
Cormoran Strike, ancien militaire (revenu amputé d’Afghanistan), détective privé réputé et Robin Ellacott, son associée, enquêtent sur le meurtre d’un enfant qui aurait eu lieu quinze ans plus tôt. L’absence de cadavre et la disparition du seul témoin les obligent à explorer de nombreuses pistes dans les quartiers de Londres et dans la campagne anglaise. Parallèlement, leurs relations évoluent entre eux, entre attirance et admiration… Le 4e opus de Robert Galbraith (qui n’est autre que J. K. Rowling) est un policier d’un genre nouveau, mêlant enquête méticuleuse et histoires d’amour… Le plus ? Il m’a ramenée avec délice dans l’ambiance de Londres juste après les Jeux Olympiques de 2012.
♦ Pièces détachées de Colette Fellous (Gallimard, 2017, 176 p.)
par Michèle Robach
Colette Fellous nous compte ici l’histoire intime de ses parents, de ses ancêtres, de la Tunisie. C’est un livre écrit face à la mer d’une manière très poétique dans une maison de Sidi Bou Saïd. Un ravissement, mais aussi un drame, puisque le livre s’ouvre sur l’attentat islamiste à Sousse en 2015, la plage où elle jouait enfant. Donc le récit démarre sur une grande émotion et l’inquiétude va suivre. Il est question de son histoire faite de pièces détachées, de morceaux épars, de souvenirs, mais racontés en douceur. Elle invite au fil du récit Roland Barthes qui revendiquait la douceur, les mots, les verbes, les odeurs, toutes les petites choses du quotidien qu’il faut sublimer.
« Les hirondelles chahutent et zigzaguent dans le ciel, une odeur d’anis de miel et de fleur d’oranger vient de la cuisine, une fête se prépare, c’est normal, on est samedi, jour sacré qui porte en lui une odeur unique, majestueuse, inoubliable, qui traverse les siècles. »
♦ Mes poupées russes de Catherine Roumanoff (éditions Leduc, mars 2020)
par Anne-Claire Gagnon
Agatha est comme sa grand-mère, « amoureuse de l’idée de l’amour ». Et c’est avec elles et toute leur famille que Catherine Roumanoff nous embarque avec son deuxième roman pour un voyage au cœur de nos vies, à « dénouer, détricoter ce qui nous emmêle et nous retient ». On termine le roman en s’interrogeant sur nos poupées russes – ces aïeux invisibles mais si présents et parfois pesants – et l’envie d’obtenir d’Agatha Grâce l’adresse de son hypnothérapeute, Alysson Flaherty, pour perdre son embonpoint et retrouve le fil de sa vie !
♦ « Pour rendre la vie plus légère : les livres, les femmes, les manières » de Mona Ozouf (éditions Stock, janvier 2020)
par Vicky Sommet
Cet entretien entre l’historienne Mona Ozouf et le philosophe Alain Finkielkraut défend un certain art de vivre à la française. La galanterie, l’amour courtois, l’étiquette de la cour, ne sont-ils pas des particularités de notre pays qui perdurent encore aujourd’hui sous d’autres formes, avec d’autres mots et d’autres attitudes. Au-delà de la littérature ou des bonnes manières, la politesse, l’égalité, le féminisme même, sont des valeurs défendues dans notre société.
« La civilité ne vise pas la vérité, elle cherche l’agrément, la gentillesse, l’attention aux autres. Autrement dit : à rendre l’existence plus légère. »
♦ Les victorieuses de Laetitia Colombani (Grasset, 2019)
par Agnès Brunel
Un changement radical de vie après un burn-out surprend Solène, avocate talentueuse broyée par son travail. Sa reconstruction la conduit au Palais de la Femme, créé un siècle auparavant par Blanche Peyron, membre actif de l’armée du salut. Les vies de Solène et Blanche s’épanouiront auprès de femmes abandonnées, seules, exclues, ardues à comprendre et attachantes. Des victorieuses anonymes. Une belle lecture, incontournable, qui rend plus forte.
« Tant que les femmes pleureront, je me battrai. Tant que les enfants auront faim et froid, je me battrai (…) Tant qu’il y aura dans la rue une fille qui se vend, je me battrai (…) Je me battrai, je me battrai, je me battrai. » William Booth, fondateur de l’Armée du salut