Rares sont les expositions dont on ressort des étoiles plein les yeux et avec une seule envie… y retourner ! Celle sur Nicolas de Staël au MAM de Paris en fait partie qui nous fait découvrir, avec une grande intelligence dans le choix des tableaux et la scénographie chronologique, l’œuvre en renouvellement permanent de ce peintre au destin tragique. Quinze années de création d’un artiste « sans divertissement » et d’une exigence absolue. 25% des œuvres exposées n’ont jamais été montrées en France et beaucoup émanent de collections privées. Une occasion unique de les découvrir !
« Composition Paris, 1950 » (huile sur toile, collection particulière)
par Brigitte Leca
Éblouie à chacune de mes nombreuses « rencontres » avec le peintre, j’ai pris le parti cette fois de m’attarder sur les collections particulières. Pour la première fois, une rétrospective consacrée à Nicolas de Staël leur donne la part belle puisque, sur 200 œuvres exposées, 80 environ proviennent de ces collections souvent inédites. « Composition, Paris » est un ensemble de trois oeuvres dont un dessin, une esquisse peinte et la toile finale que j’ai choisie de vous présenter et qui résume parfaitement ma fascination pour cet artiste, alchimiste des lumières, des nuances, des contrastes et surtout des textures. Plus tard, ses peintures seront plus lisses. Nicolas de Staël incarne pour moi la quête incessante et exigeante d’un artiste immense et d’un homme intransigeant à la recherche de la perfection, dans sa vie comme dans son oeuvre. « Le tableau, c’était une fulgurance peinte très lentement. » Anne de Staël, 15 avril 2022
« Nu de dos » (1952-1953, encre de Chine, collection particulière)
« Bateaux en Méditerranée » (1953-1954, stylo feutre sur papier, Centre Pompidou)
par Agnès Brunel
La rétrospective prend le parti de rester au plus près des recherches graphiques du peintre pour montrer le rôle prépondérant joué par le dessin, comme en atteste la riche collection d’oeuvres sur papier ici exposées. Car on ne doit pas oublier que Nicolas de Staël est un excellent dessinateur. Avec la sobriété de quelques lignes au feutre, ou à l’encre de chine, il transcrit ce qu’il voit et l’émotion qu’il ressent devant des corps ou des paysages. La pureté parfaite. « Tu m’as fait retrouver d’emblée la passion que j’avais, enfant, pour les grands ciels, les feuilles en automne et toute la nostalgie d’un langage direct. »
« Le Fort carré d’Antibes » (1955, huile sur toile)
par Vicky Sommet
Nicolas de Staël est le peintre de la couleur, celle du Midi, de la Sicile ou du Maroc, il est aussi celui qui a fait évoluer sa peinture vers un dépouillement ultime. Amoureux, mais sans illusion sur un amour impossible pour une femme mariée qui fut et sa maîtresse et son modèle de nu, il se décide à alléger et à fluidifier sa pâte, il délaisse le couteau et la spatule, reprend le pinceau, étale sa peinture avec du coton et des tampons de gaze pour obtenir des effets qu’il applique à des marines comme cette huile sur toile avec des bleus noyés et des gris délavés, un effacement progressif du peintre lui-même et de sa volonté de vivre. « C’est si triste sans tableaux, la vie, que je fonce tant que je peux. »
Interrompues par son suicide en 1955 à l’âge de 41 ans, les évolutions successives de la trajectoire de Nicolas de Staël, artiste sans concession, aventurier nomade, amoureux passionné, témoignent de sa quête picturale d’une rare intensité, comme une poursuite menée dans l’urgence d’un art toujours plus dense et plus concis dont la puissance, jusqu’à aujourd’hui, demeure intacte.
Agnès Brunel, Brigitte Leca, Vicky Sommet
Nicolas de Staël au Musée d’Art Moderne de Paris du 15 septembre au 21 janvier 2024. Vingt ans après celle organisée par le Centre Pompidou, l’exposition propose un nouveau regard sur le travail de l’artiste. L’exposition est organisée par le Musée d’Art Moderne de Paris en étroite collaboration avec la Fondation de l’Hermitage à Lausanne, où elle sera présentée du 9 février au 9 juin 2024.