Anne-Camille Charliat, rencontre avec le maître des Outrenoirs

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Attirée par la Philosophie et l’Histoire de l’art, Anne-Camille suit des études dans ces deux disciplines jusqu’à un doctorat de Philosophie avec une thèse abordant l’histoire de la lumière et des couleurs à travers la peinture. Sa voie était ainsi toute tracée, la couleur serait au cœur de son métier… jusqu’à Soulages.

La révélation

Étudiante, elle suit un stage aux décors sur le tournage d’un film de François Ozon. « J’ai été éblouie par la construction des décors, l’atmosphère générale, le travail d’équipe : toutes ces personnes réunies autour d’un même projet et œuvrant à l’incarner. Le cinéma défie avec poésie la réalité, le temps et l’espace ! C’est devenu l’une de mes passions. » Puis elle enseigne à l’Université, donne des conférences dédiées à la symbolique des couleurs et à la place de l’art dans la vie de l’homme. Mais ce sera une rencontre décisive qui orientera ses futures réalisations, celle avec le peintre Pierre Soulages, maître des Outrenoirs.

Le noir lumière

Pierre Soulages la reçoit à plusieurs reprises et ils échangent longuement autour de l’art et de la philosophie. « C’était un homme exceptionnel, extrêmement cultivé, curieux et généreux, d’une grande simplicité aussi. Sa peinture nous fait face, sans ornement ni figure. Elle ne s’adresse pas à notre raison mais à notre cœur. Pierre n’imposait jamais son point de vue, pour lui l’essentiel relevait de l’expérience intérieure et non de concepts préétablis. » Une partie de leurs entretiens a été publiée¹, suivie de la réalisation d’un documentaire² consacré au dialogue entre la science et son œuvre, projeté en continu au Musée Fabre et au Musée Soulages. « Ses Outrenoirs mettent en acte deux phénomènes : la réflexion et l’absorption de la lumière, créant des couleurs qui semblent sourdre de la matière. Selon notre déplacement devant les toiles, différentes nuances se dévoilent et nous surprennent, aussi fugaces qu’un sentiment. On rencontre le mystère, la beauté que recèle chacune de ses clartés. »

L’éloge de l’inattendu

Pierre Soulages affirmait « C’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche ». Une technique rigoureuse, exigeante, mais pas de message. Lorsqu’il n’était pas satisfait, il brûlait ses toiles. Après deux documentaires³ avec l’artiste, elle a accueilli l’inattendu qui opère également dans les trois fictions qu’elle a tournées en Italie après un stage à la Villa Médicis. « Les choses arrivent mais il faut poser un regard dessus afin qu’elles se révèlent et vous révèlent ce que vous n’attendiez pas. L’art est une manière « d’habiter le monde en poète » disait Heidegger. Le mot « image » contient d’ailleurs celui de « magie » ! Les images et les histoires, nous les partageons tous, ma création se nourrit de cet échange avec les autres ». 

Anne-Camille développe sa curiosité en s’intéressant maintenant à la psychologie et à la psychanalyse, ce qui lui paraissait insondable hier, mais qui, au fil des rencontres, des tournages ou des débats suite aux projections, fait que ces échanges lui apportent beaucoup. « Il est vrai que j’ai filmé d’une manière très particulière les œuvres de Soulages et toute personne qui a posé un regard dessus, s’adresse à moi en projetant quelque chose d’elle-même, et lorsqu’on parle d’art, c’est une conversation d’une grande intériorité et ça, ça me plait ! »

Vicky Sommet

¹L’intériorité dans la peinture Entretiens de Pierre Soulages et Anne-Camille Charliat (édition Hermann, 2019)
²Noir-lumière. La peinture de Pierre Soulages en dialogue avec la science (UniFrance Films – YouTube)
³Éclairer la Nuit. Regards poétiques entre Pierre Soulages & Léopold Sédar Senghor (Musée Soulages – YouTube)

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