Philosophe, nom commun… féminin aussi

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On l’oublie trop souvent, le philosophe peut aussi être une femme, la philosophe. Alors que, dans la littérature ou l’enseignement, celles qui pratiquent la philosophie, l’amour de la sagesse en grec, ont une démarche de réflexions légitimes qui gagnent à être reconnues et étudiées.

Les philosophes de l’Antiquité

Je commence par Aspasie, compagne de Périclès, qui aurait usé de son influence en politique malgré les revers de son époux à Samos. Socrate, tout comme Platon ont reconnu ses talents, mais les critiques à son égard furent nombreuses, elle qui était au cœur des conversations philosophiques. Suivra Hypatie, philosophe, néoplatonicienne, astronome et mathématicienne grecque, à la tête de l’école d’Alexandrie où elle enseignait la philosophie et l’astronomie. Sa mort sous les coups des chrétiens fera d’elle une « martyre de la philosophie ». Elle deviendra au 20ème siècle une icône du mouvement pour les droits des femmes et du féminisme.

Les philosophes de la Renaissance

Marie de Gournay, femme de lettres des 16 et 17ème siècles et « fille d’alliance » de Michel de Montaigne, publia la troisième édition des Essais, augmentée des corrections manuscrites du philosophe. Jacquette Guillaume, elle, a soutenu que pour leur mérite, les femmes étaient supérieures aux hommes. On lui doit « Les Dames illustres, où par bonnes et fortes raisons il se prouve que le sexe féminin surpasse en toutes sortes de genres le sexe masculin ». Et Élisabeth de Bohême, princesse palatine, abbesse protestante et philosophe, célèbre pour sa correspondance philosophique avec Descartes jusqu’à sa mort. Ou Louise-Henriette Volland à qui Diderot, admiratif et amoureux, donna le prénom de Sophie, en grec « sagesse ». Elle rencontra le philosophe de trois ans son ainé et devint amie et amante, car il estimait son esprit comme son jugement.

Le complexe d’Héloïse

Simone de Beauvoir était considérée comme une simple disciple de Sartre, absente dans l’histoire de la philosophie française où les femmes sont dépeintes comme admiratrices-amoureuses d’un philosophe-amant dont elles seconderaient le travail. Ce « complexe d’Héloïse » disparaitra avec la prose de Beauvoir qui lui donnera la légitimité d’être une philosophe et la reconnaissance de l’originalité de sa pensée par rapport à Sartre. Puis vint Simone Weil, philosophe humaniste, qui souhaitait faire de la philosophie une manière de vivre, non pour acquérir des connaissances, mais pour être dans la vérité. Elle s’intéressa aux courants marxistes antistaliniens, l’une des rares à avoir partagé la « condition ouvrière ». Ou encore Hannah Arendt, politologue, philosophe, journaliste, connue pour ses travaux sur la politique, le totalitarisme, la modernité et la philosophie de l’histoire, mais qui soulignait que sa vocation n’était pas la philosophie mais la théorie politique.

Pendant des centaines d’années, les femmes se sont effacées. Ce n’est pas être féministe que de vouloir reconnaître leur talent, leur influence dans les écrits, les enseignements ou les pensées qui agitent encore aujourd’hui nos contemporains. La philosophie au féminin ne doit pas s’ajouter à la longue liste des inégalités encore criantes dans notre société.

Vicky Sommet

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