Rose Valland, l’espionne au service de l’art  

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Le courage ne lui a pas fait défaut, ni la témérité. Rose Valland, face à Goering, a osé s’élever contre ce qui aurait pu être le plus grand vol d’œuvres d’art de l’Histoire et cela en sauvegardant les collections publiques, sans avoir jamais eu peur du danger qu’elle encourrait.

Sur ordre du Reichsmarschall Goring

Apportées au musée du Jeu de Paume dans 400 caisses qui contenaient des toiles de maître, des sculptures et des tapisseries, il ne fallut qu’un jour et une nuit pour exposer tout ce qui correspondait au goût du Maréchal. Lui qui se présentait comme « un homme de la Renaissance » passa plusieurs jours à tout regarder, même ce qui n’avait pu être déballé par manque de place, et fit son marché en donnant l’ordre de transporter dans son train  personnel 27 tableaux inestimables, en réservant « L’astronome » de Vermeer pour l’offrir à Hitler. Il avait déjà agi de la sorte en Pologne, en Hollande, mais Paris répondait en tous points à ses aspirations artistiques. Dans l’ombre, une femme discrète observait ce manège, désespérée du spectacle auquel elle venait d’assister, Rose Valland.

Qui se cache derrière ce nom

Rose, issue d’une famille de parents modestes, pensait devenir institutrice jusqu’à ce que l’art la rattrape. Elle suivit les cours des Beaux-Arts de Lyon, puis de Paris, où elle fut reçue sixième sur 300 candidats, enchaina avec l’Institut d’art et d’archéologie et entra en 1932 comme assistante au musée des Écoles étrangères contemporaines, l’ancien nom du Jeu de Paume. Survint alors la guerre, le Louvre emballa tous ses trésors, la Joconde y compris, mais retirèrent de leur cadre et roulèrent les grandes toiles comme « le Sacre de Napoléon » de David (10m de long). Le jour même de la déclaration de la guerre, ce fut enfin « la Victoire de Samothrace » qui quitta son socle après des heures de halage pour lui faire descendre l’escalier. Rose fit de même en faisant partir pour Chambord les œuvres du Jeu de Paume.

L’espionne était dans la place

Sollicitée pour observer les mouvements des nazis qui spoliaient les œuvres des familles juives, Rose tâchait de comprendre les méthodes des Allemands. Elle rédigeait des fiches, cachait des toiles dans les caves et découvrit le contenu d’un train qui acheminait 47 wagons de meubles volés. La Résistance des chemins de fer fut appelée à l’aide et réussit à dévier le train. Une fois la guerre terminée, les œuvres cachées dans les châteaux revinrent à Paris mais au vu des 10 000 tableaux, des 500 000 meubles et du million de livres disparus, Rose décida de continuer sa traque, d’abord avec l’Américain Rorimer, l’un des « Monument men » chargé par Eisenhower de protéger le patrimoine français, puis en partant pour l’Allemagne retrouver des œuvres qu’elle savait être cachées dans des châteaux ou des mines souterraines.

Elle a ainsi sauvé plus de 60 000 œuvres au lendemain de la Seconde guerre mondiale, celles qui décorent nos musées, mais personne encore aujourd’hui ne se souvient de son nom, Rose Valland !

Vicky Sommet

LIRE « Rose Valland, l’espionne à l’œuvre » de Jennifer Lesieur aux éditions Robert Laffont (mai 2023).
VOIR « Monuments men », film de George Clooney (2014) où Claire Simone librement inspirée de Rose Valland est interprétée par Cate Blanchett. « Le train », film de John Frankenheimer (1964), où Suzanne Flon interprète Rose Valland. « L’espionne aux tableaux, Rose Valland face au pillage nazi », documentaire écrit par Brigitte Chevet (2015, 52 minutes) – existe en DVD.

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