Apparu à la fin du 17e siècle, en vogue depuis le 19e, le roman historique rencontre toujours un vif succès, mêlant évènements et personnages réels et fictifs nous permettant de plonger dans l’Histoire par procuration. Laissez-vous guider à l’aide d’une sélection de six romans récents choisis par nos bibliothécaires.
♦ Au moins le souvenir de Sylvie Yvert (Éditions H. d’Ormesson, septembre 2021)
L’on méconnaît souvent le rôle politique d’Alphonse de Lamartine qui a gouverné durant l’année 1848 une France divisée. Sous la forme d’un journal tenu par sa femme sont relatées par le menu les péripéties de l’avènement de la Seconde République. Le roi Louis Philippe et ses partisans ont mésestimé l’imminence d’une révolution. Le républicain convaincu que fut Lamartine sut gagner le peuple à sa cause grâce à ses talents d’orateur. Modéré et démocrate, il finira par mécontenter les factions extrémistes et ce fut l’avènement du Second Empire. Les jeux d’influence, les intrigues qui ont toujours formé les opinions de ce pays, restent tout à fait d’actualité. C’est tout l’intérêt de ce récit très dense, agrémenté de références poétiques, soulignant la grandeur d’âme du poète. C’est aussi le portrait en filigrane d’une épouse dont le rôle fut primordial dans l’Histoire.
♦ Bellissima de Simonetta Greggio (Stock, août 2021)
L’enfance a pris fin un après-midi pour l’auteure. L’homme sans visage la poursuit. Simonetta Greggio a dû fuir l’Italie, loin des blessures et de l’oppression familiale et politique. C’est des décennies plus tard qu’elle ose revenir aux lieux de son enfance et honorer la mémoire de ses grands-parents, un couple accueillant et généreux. Les souvenirs reviennent par bribes, après avoir longtemps été enfouis. Terre volcanique par excellence où se sont confrontées Brigades rouges et Chemises noires. Silence sur le rôle du père, violent et sombre. Dans cet imbroglio d’enseignement spirituel et de pratiques mafieuses, il lui est difficile de faire la part des choses. Simonetta Greggio ose enfin dénoncer l’inavouable secret.
♦ Le tailleur de Relizane d’Olivia Elkaim (Stock août 2020)
Le grand-père de l’auteur, d’origine juive, était tailleur à Relizane, près d’Oran. C’est une famille de « pieds-noirs », les Français d’Algérie. Mais Relizane est aussi le fief des indépendantistes. Il faut partir lorsque l’ami ou le frère soudain devient votre pire ennemi. Le rapatriement en métropole, c’est l’espoir de la liberté, de la dignité. Les désillusions ne manquent pas, quand ce ne sont pas les humiliations et la pauvreté qu’il faut affronter. Le courageux tailleur va s’établir et peu à peu s’estompent les souvenirs des horreurs du passé. L’auteur nous fait comprendre le poids de l’exil et aussi l’attachement à la terre des origines. C’est une poignée de terre natale qui sera le dernier bagage…
Béatrice Bothier
♦ Les Exilés de Byzance de Catherine Hermary-Vieille (Éditions Albin Michel, septembre 2021)
Nous sommes le 29 mai 1453 à Byzance. Celle qui fut la dernière capitale de l’empire romain d’Orient s’effondre après avoir vaillamment résisté. La population se défend, mais en vain. C’est alors que deux frères parviennent à s’enfuir, chacun dans une direction, tout en se faisant serment que leurs descendances se retrouveront. C’est le destin de cette famille que retrace brillamment Catherine Hermary-Vieille. On est emporté par cette histoire pleine de souffle et prenante portée par une écriture fluide.
♦ À la recherche de Céleste Albaret : l’enquête inédite sur la captive de Marcel 
Proust de Laure Hillerin (Éditions Flammarion, septembre 2021)
Laure Hillerin fait revivre Céleste Albaret, l’indispensable gouvernante que l’écrivain surnomma « sa Joconde ». Entrée à son service en 1914, elle y restera jusqu’à la mort de Marcel Proust en juin 1922. Source d’inspiration pour l’auteur, elle ne vit que pour lui. C’est une histoire inédite écrite avec brio par Laure Hillerin qui s’appuie sur des archives et des correspondances, le tout illustré par de nombreuses photos. À recommander aux passionnés de Marcel Proust, mais également à ceux et celles qui veulent en savoir plus sur la personnalité de l’écrivain.
♦ Le roi qui voulait voir la mer de Gérard de Cortanze (Éditions Albin Michel, septembre 2021)
Gérard de Cortanze revient sur un épisode méconnu : le voyage de Louis XVI en terre normande en juin 1786 (le seul entrepris de tout son règne). Il dresse le portrait d’un homme simple, humaniste, cultivé, passionné de géographie qui veut aller au devant de son peuple, mais plus encore voir la mer. C’est haletant, trépidant. Un livre qu’on ne lâche pas jusqu’à la fin !
Florence Desgranges
