Enfin les musées ont rouvert, une frénésie de découvertes culturelles nous anime toutes. Dans cette offre généreuse post confinement, nous avons sélectionné trois expositions qui mettent en lumière les femmes… naturellement !
♥ À la Propriété Caillebotte (Yerres) : Photosynthesis – jusqu’au 15 août
par Sylvie Clausset
L’artiste Marie-Noëlle de La Poype expose 51 sculptures à l’Orangerie. Dès l’ouverture de la porte, le visiteur est transporté dans un espace intemporel magique et mystique. Un sentier nous emmène dans une forêt de végétaux métalliques aériens et poétiques. L’imaginaire s’envole, emporté par des sonorités envoûtantes. Des oiseaux apparaissent dans notre esprit, ils se posent sur les fils d’acier qui pénètrent le vide et le mettent en scène. Le végétal est au cœur du travail de l’artiste, l’arrangement sonore met en musique la vie secrète des arbres, révélée à beaucoup par le livre de Peter Wohlleben. Les vibrations végétales captées par les sculptures d’acier, pénètrent l’humain et son appel à l’aide résonne en nous. La matière, le vide, le végétal, l’humain, liés par une même vibration intrinsèque comme le lien d’un Tout.
♥ Au Musée d’Orsay : Les Origines du monde – jusqu’au 18 juillet
par Florence James
Dans les livres scolaires, il n’y a pas si longtemps, nous apprenions les « Leçons de Choses ». Il s’agissait de comprendre la nature et l’homme. Au Musée d’Orsay, une formidable exposition scientifique et artistique évalue l’impact sur les artistes des sciences de la nature au XIXe siècle. Elle s’emploie à cerner dans les arts libéraux aidés de l’iconographie scientifique les effets de la nouvelle manière de comprendre la nature et l’homme au XIXe. L’exposition, documentée essentiellement par une scientifique, analyse le rapport entre arts et sciences au XIXe siècle à une époque où surgissent des problématiques dont nous sommes encore les héritiers. Avec la révolution industrielle et l’essor des empires coloniaux, la science moderne évolue (Cuvier, Darwin, Humboldt), alimentée par les découvertes des expéditions scientifiques.
À quelles conceptions des origines sommes-nous confrontés dans cette exposition ? Non seulement le XIXe siècle est celui de la science, mais la question des origines de la vie hantera aussi de nombreux artistes, car le développement des voies maritimes commerciales au XVIIIe siècle favorise l’importation en Europe d’une profusion d’animaux exotiques : oiseaux, lions, singes, chameaux, rhinocéros, éléphants qui fascinent les scientifiques qui les étudient et les artistes. Or, la relation de l’homme avec la nature a longtemps été façonnée par les récits bibliques de la Genèse : la création du monde en six jours, le monde est vu comme un jardin. Cependant les scientifiques et les artistes n’ont pas eu la même perception de la beauté de la nature. Profitez des salles peu remplies en vous arrêtant longuement sur « Après le déluge » de Filippo Palizzi (1864).
♥ Au Centre Pompidou : Elles font l’abstraction – jusqu’au 23 août
par Pierre-Yves Cossé
L’exposition est d’une richesse extrême : une centaine d’artistes, une grande diversité des œuvres (dont tissus, arts décoratifs, danse, photo, cinéma), une longue période couverte (de la fin du XIXe à aujourd’hui), une variété de pays disséminés sur tous les continents. Le dépaysement est assuré, alors que la majorité des artistes est inconnue du grand public. Il faudrait déambuler plusieurs fois entre la quarantaine d’alvéoles où sont présentées les œuvres, ce qui impliquerait plusieurs visites, pour appréhender toute la richesse de l’exposition. L’abstraction a mis à égalité hommes et femmes, ou tout au moins réduit les discriminations et les préjugés, quoiqu’une citation du peintre allemand Hans Hofmann vous accueille à l’entrée : « Cette peinture est tellement réussie qu’on ne la croirait pas être due à une femme ». Abstraits hommes et abstraits femmes se sont influencés mutuellement, bien que beaucoup d’hommes étaient trop machistes pour le reconnaitre et que des femmes insistent sur la différence ; l’abstraction féminine serait plus sensible, moins artificielle et moins superficielle.
Les premières salles sont consacrées à des artistes inspirées par le mysticisme et la recherche d’une représentation du transcendant. Plutôt des images inspirées, du non-figuratif que de l’abstrait : Georgina Houghton (GB), Hima de Klimt (Suède), Olga Fröbe-Kapteyn. Une salle est consacrée à Sonia Delaunay (ses cercles magiques et ses tissus) avant 1914 et aux textiles de Sophie Taeuber– Arp. D’autres grandes figures de la sculpture en textile sont présentes : Ruth Asawa. L’Avant-Garde russe d’avant 1918 offre une explosion saisissante et jouissive de couleurs, une découverte pour beaucoup : Olga Rozanova, Alexandra Exeter, Lioubov Popova.
Le Bauhaus, où les étudiantes sont aussi nombreuses que les étudiants, selon le vœu de Gropius, directeur d’une école où tous les professeurs sont des hommes, mais qui prône l’égalité des sexes, est représenté par des arts décoratifs, tapisseries, tapis, photos, films, danses. Le dynamisme de la scène parisienne dans les années 50 est mis en valeur par des étrangères vivant à Paris, la Turque Fahrelissa Zeid, la Cubano-américaine Carmen Herrera, ou la Libanaise Saloua Raouda Choucair. Le tour du monde se termine avec la Chine et les visions puissantes et colorées de l’univers inventées par Irène Chou.