Travailleuse infatigable, d’une curiosité insatiable, engagée de longue date, la styliste agnès b. est aussi galeriste et collectionneuse d’art contemporain, réalisatrice, productrice, éditrice et mécène. L’ actualité culturelle estivale met en lumière son éclectisme vibrionnant.
Une glaneuse. Agnès Troublé, enfant, est déjà attirée par le dessin, elle suivra de l’âge de 13 ans à 19 ans des cours à l’École des Beaux-Arts de Versailles, sa ville natale ainsi que les cours libres de l’École du Louvre. Son premier job, elle l’exercera dans une galerie. Préférant toutefois créer sa marque de mode en 1973, il faudra attendre 1984 pour qu’agnès b. (comme Bourgeois, nom de son ex-mari Christian, éditeur) ouvre sa Galerie du Jour et offre ses cimaises aux jeunes artistes alors inconnus tels Nan Goldin, Pierre Huyghe, Claude Closky, Claude Lévêque… ou le groupe Bazooka. Ses critères de sélection ? La jeunesse et la rue. Pionnière dans l’observation et la découverte des arts de la rue (graffitis, pressionnisme*…), la styliste se définit elle-même comme une dénicheuse, « une glaneuse » (mot emprunt à son amie Agnès Varda).
Un regard sur la collection agnès b. Aujourd’hui, agnès b. possède plus de 3.000 œuvres et ce sont 100 d’entre elles qui sont exposées au LaM à Villeneuve d’Ascq. Reflet de son appétence pour l’émergence « des écritures picturales de la fin du XXe siècle et du début du XXIe siècle comme les mouvements contestataires des années 1960-1970, le renouveau du graphisme durant les années 1980-1990, les cultures urbaines des années 1990-2000, jusqu’aux nouvelles formes de la vidéo ou de la performance des années 2000-2010 », on y croise de nombreux portraits connus, des ponts entre musique, cinéma et arts plastiques sont tendus. « Altérité, Identité, contre-culture, temps et mémoire » en sont les fils conducteurs.
Exposition jusqu’au 23 août 2013. Le LaM est ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche. www.musee-lam.fr. Par la route : à 20 min. de la gare Lille Flandres, autoroute Paris-Gand (A1/A22/N227), sortie 5 ou 6 Flers / Château / Musée d’art moderne.
Je m’appelle Hmmm... Tel est le titre du premier long métrage réalisé par Agnès Troublé (elle a souhaité retrouver son nom de jeune fille pour sa casquette de cinéaste) sorti en 2014 et aujourd’hui disponible en DVD (sortie le 7 juillet 2015). Pour un premier coup d’essai, la créatrice s’attaque avec subtilité et justesse à un sujet délicat : l’inceste (écho d’une blessure personnelle). Un road movie poétique d’une jeune fugueuse aidée par un routier écossais : une belle rencontre entre deux solitaires. Le film est ourlé d’une jolie bande son (Jean-Benoît Dunckel du groupe Air, Sonic Youth, le contre-ténor américain David Daniels, le Stabat Mater et le Nisi Dominus de Vivaldi. Si on l’a choisie comme marraine d’Orchestre en Fête au printemps dernier ce n’est pas par hasard ! Elle habille de nombreux musiciens et soutient des labels indépendants depuis longtemps.
Je m’appelle hmmm... de Agnès Troublé (dite agnès b.) avec Lou-Lélia Demerliac Douglas Gordon, Sylvie Testud, Jacques Bonnaffé , Marie-Christine Barrault.
« Il est indispensable de partager sinon rien n’ira bien dans ce siècle. »
Un voilier pour la planète. Impliquée dans le lutte contre le sida et auprès d’associations humanitaires pour aider les plus démunis, agnès b. est aussi très sensibilisée par l’écologie. Elle est propriétaire et mécène de la fameuse goélette Tara. De juin à novembre 2014, le navire accueillait 11 artistes à raison de 2 à 3 semaines chacun. Une expédition et deux objectifs : pour les scientifiques, étudier la présence et l’impact des déchets plastiques dans la mer Méditerranée, pour les artistes, rendre compte graphiquement de cette expérience. La Galerie du Jour expose actuellement leur travail. Une manière efficace de sensibiliser le public à cette problématique.
Livre Bleu de Tara pour la Méditerranée en téléchargement gratuit sur notre site : http://oceans.taraexpeditions.org/…/le-livre-bleu-de-tara-…/
Alors cet été, en enfilant notre T-shirt rayé ou en pressionnant notre cardigan Snap, on devrait capter un peu des bonnes ondes et de l’énergie de cette créatrice qui à 72 ans est toujours en éternel projet !
« Elle m’épate à faire autant de choses. C’est la leçon de la juvénilité**».
Christine Fleurot
* Lire Les chevaliers de la bombe dans notre rubrique Culture de la semaine.
** Gilles Jacob.