Ses romans biographiques sont vendus à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires, elle est traduite en de multiples langues. Qu’est-ce qui fait d’Alexandra Lapierre, que j’ai eu le bonheur de rencontrer, un écrivain à succès ? Le choix de ses personnages, ses enquêtes minutieuses, l’envie de rencontres ou la recherche du bonheur (et de soi) ?
« Aimer, c’est admirer avec le cœur. Admirer, c’est aimer avec la raison. » (Théophile Gauthier)
Chercher sa voie et sa voix
Le milieu de la création littéraire et artistique s’inscrit dans sa vie, ne serait-ce qu’en bonne fille de son père Dominique Lapierre, célèbre écrivain, et de sa mère, créatrice de mode et l’élégance faite femme. Pas vraiment son truc, les maths, pour la petite Alexandra, plutôt très bonne en histoire et en français et déjà prédestinée. Elle tient un journal, confectionne des nouvelles, écrit son premier roman à 12 ans, un roman de chevalerie dont le héros s’appelle Olivier (qui nous laisse entrevoir des choix de personnages qu’elle fera plus tard !). Mais elle compose en secret, la figure du père tutélaire est présente. Il faut faire aussi bien sinon mieux et suivre des traces sur un chemin déjà jalonné car porter un tel nom peut vous empêcher ou alors vous obliger !
Elle voulait faire du cinéma
Pas folle la guêpe ! Elle décide quand même de poursuivre des études de lettres, une thèse sur le désenchantement et l’évasion chez Théophile Gauthier, mais elle ne sera jamais désenchantée, Alexandra, et aura plutôt envie de s’évader, oui, car elle écrit aussi des scénarios pour le cinéma qu’elle met en scène. En faisant du Super-8 avec des copains, elle est remarquée et la voilà dotée d’une bourse pour une école de cinéma aux États-Unis. Quelques courts-métrages plus tard, primés dans plusieurs festivals, elle recevra aussi sur place la bourse Jack Nicholson (excusez du peu…), poursuivra ses travaux d’écriture et de mise en scène pendant quelques années inoubliables et obtiendra son Master of Fine Arts…
Chez Pivot
Mais il faut revenir, il est temps de faire quelque chose de sa vie chez elle. Comme sa passion pour la littérature est toujours présente, Alexandra décide de commencer une deuxième thèse sur « La femme fatale dans la littérature française du 19ème siècle » et découvre ce personnage incroyable de courtisane et de grande aventurière qu’est Céleste Mogador (de son vrai nom plus prosaïque Veinard). Il lui faut raconter cette histoire, car Alexandra, c’est un peu Zorro, dit-elle, qui ferraille pour des personnages demandant justice et reconnaissance et elle comprend définitivement que le bonheur est là, qu’elle n’a pas besoin de producteur de cinéma pour réaliser son rêve. Son premier livre La lionne du boulevard¹ voit le jour et elle n’a plus jamais touché à une caméra depuis. Miracle, elle passe chez Pivot à la grande époque, les ventes s’envolent et elle obtient un vrai succès critique. Elle qui n’avait pas voulu montrer son livre à son père de peur de ne pas être à la hauteur, il devient son premier et fidèle lecteur !
La liste de ses envies
Mais la vie est une boucle… Cette thèse qu’elle n’a jamais finie lui aura permis de « rencontrer » Céleste très proche du bon Théophile. Sa passion pour l’histoire et le monde de l’art sous toutes ses formes, pour la découverte et le 7ème art la conduiront à « s’attaquer » à des sujets et à des personnages comme Artemisia Gentileschi² qu’elle contribuera à remettre en lumière, Doña Isabel la femme conquistador³ ou Belle Greene4, son dernier roman consacré à une bibliothécaire et bibliophile de génie, afro-américaine à l’histoire incroyable ! Ses romans biographiques se veulent à la fois cinématographiques et visuels (on voit que Jack Nicholson savait ce qu’il faisait). Un personnage en suggère un autre pendant ses recherches qui la conduisent toujours plus loin, lui demandent à chaque fois plusieurs années et la convertissent en un vrai rat de bibliothèque à la poursuite d’époques perdues mais fondatrices d’aujourd’hui.
« Entreprendre de raconter la vie passionnante d’un personnage comme Belle Greene implique pour moi des années de recherche et le bouleversement de ma propre vie. Pour ressusciter son extraordinaire destin peu connu du public, j’ai eu besoin d’être absolument exacte sur tout, les faits, les dates, les contextes, les couleurs, les bruits, TOUT ! »
Qui sera son prochain personnage ? Alexandra Lapierre est ouverte à toute suggestion ! En attendant elle savoure son dernier-né, car cette personnalité chaleureuse5 a besoin de laisser du temps au temps !
Anne-Marie Chust
Alexandra Lapierre, son site
¹La lionne du boulevard (Robert Laffont, 1984)
²Artemisia (Robert Laffont, 1998)
³Je te vois reine des quatre parties du monde (Flammarion, 2013) – Prix Historia du meilleur roman historique
4Belle Greene (Flammarion, 2021)
5Alexandra Lapierre participe tous les ans à l’écriture d’une édition de nouvelles éditées au profit des Restaurants du Cœur : Treize à table.
