Alexandra David-Néel, un destin galopant

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Dresser le portrait d’Alexandra David-Neel nécessite un vrai courage tellement sa vie aventureuse est originale, surtout pour une femme née en 1868¹ et morte à près de 101 ans¹. Orientaliste, tibétologue, chanteuse d’opéra, journaliste, anarchiste, écrivaine, bouddhiste, elle explora le monde pour mieux se connaître.

Une jeunesse militante

Un père instituteur huguenot et une mère catholique, elle vit en Belgique et, à 15 ans, s’inflige des jeûnes, des tortures corporelles et adopte les recettes des Saints ascètes. Elle s’intéresse aux opinions féministes, collabore à La Fronde, journal géré par une coopérative de femmes, mais rejette certaines positions comme le droit de vote, préférant la lutte pour l’émancipation économique. Alexandra s’éloignera de ces « oiseaux aimables, au précieux plumage », ces féministes issues de la haute société qui méconnaissent les dures conditions de vie auxquelles sont confrontées les femmes.

L’appel de l’Orient

Convertie au bouddhisme, elle perfectionne son anglais à Londres et apprend le sanskrit et le tibétain à Paris. Le journaliste Jean Chalon, son biographe, écrit :« J’ai voulu surtout respecter le rythme de ce destin galopant. C’est d’ailleurs l’un des secrets de cette vitalité qui tient du prodige, Madame David-Néel ne s’est jamais arrêtée. Comment en aurait-elle eu le temps ! » Cantatrice à l’opéra d’Hanoï et d’Athènes, elle interprète Verdi, Gounod, Delibes, Bizet ou Massenet, puis à l’opéra de Tunis, elle rencontre un cousin, Philippe Néel, qu’elle épouse à 36 ans. Mais elle part seule pour l’Inde, promet de regagner le domicile conjugal après 18 mois, mais ne rentrera que 14 ans après, accompagnée du jeune lama Aphur Yongden, qui deviendra son fils adoptif sous le nom d’Albert David-Néel.

Une adepte convaincue

Retirée dans une caverne à 4 000 mètres d’altitude, elle reçoit l’enseignement d’un gomchen, s’exerce aux méthodes des yogis tibétains, fait tsam, une retraite isolée et apprend la technique du toumo pour mobiliser son énergie et produire de la chaleur. Surnommée Yéshé Tömé, « Lampe de Sagesse », elle visite le Népal, lieu de naissance de Bouddha, Bénarès où il donna son premier enseignement, mais à son retour du Tibet en 1924, les autorités coloniales britanniques lui notifient un avis d’expulsion. Alexandra, âgée de 56 ans, et son fils, se déguisent en mendiante et en moine et, pour ne pas trahir sa qualité d’étrangère, elle n’emporte pas d’appareil photo mais cache une boussole, un pistolet et une bourse avec l’argent d’une éventuelle rançon. Malgré son visage barbouillé de suie, ses nattes en poil de yak et sa toque de fourrure, elle est démasquée pour cause de propreté trop grande car elle se lavait chaque matin à la rivière.

À son retour au Havre en 1925, elle loue une maison à Dignes-les-Bains, baptisée Samten-DzongForteresse de la méditation ») qui deviendra le premier sanctuaire lamaïste en France. À 69 ans, Alexandra repart en Chine avec le transsibérien pour étudier l’ancien taoïsme et à 78 ans, rentre en France. Son mari décède et elle perd brusquement Yongden. À 100 ans, elle demande le renouvellement de son passeport au préfet des Basses-Alpes mais s’éteint en 1969. Ses cendres sont transportées à Vârânasî pour être dispersées avec celles de son fils adoptif dans le Gange.

Nous avons conservé cette phrase qui serait d’elle:  « Je sais… que je ne sais rien et que j’ai tout à apprendre ».

Vicky Sommet

¹Née à Saint-Mandé, morte à Dignes-les Bains.
LIRE « Voyage d’une Parisienne à Lhassa » d’Alexandra David-Néel aux éditions Pocket.
« Le lumineux destin d’Alexandra David-Néel » de Jean Chalon aux éditions Perrin.

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