Un parcours du combattant, beaucoup d’incompréhensions, de doutes, de fatigue et au final une résurrection avec un bac suivi d’études supérieures brillantes et la satisfaction des parents qui ont tout donné pour soutenir leur fille. À écouter Émelyne Baudhuin, un double constat s’impose : les effets négatifs de la dyslexie se surmontent et cette particularité peut se révéler être une véritable force.
Un handicap invisible
La dyslexie se définit par des performances en lecture plus faibles que celles attendues, compte tenu de l’âge. S’en suivront pour l’adolescent, une écriture lente, difficile, parfois illisible, de nombreuses fautes d’orthographe et surtout une fatigabilité très importante liée à l’activité de lecture et d’écriture et aux séances d’orthophonie qui font partie de la prise en charge quand le diagnostic est établi. L’enfant DYS dépense des efforts et une énergie considérable pour se concentrer et pouvoir déchiffrer un texte, au prix de stress et souvent de larmes. Émelyne a vécu ce schéma classique des DYS. Même si quelques anomalies ont été soupçonnées à la maternelle, c’est à partir de 6 ans que sont apparues ses véritables difficultés. Terminer son CP sans savoir lire, écrire et compter a engendré une terrible angoisse de l’échec chez ses parents et chez elle un début de perte de confiance.
« Malheureusement, même si la situation a évolué, pour le système scolaire, la dyslexie est encore vue comme un obstacle infranchissable à la réussite, dès lors stigmatisée par les éducateurs et parfois les camarades. Cela crée une perte d’estime de soi pour les enfants concernés et une grande souffrance au sein de leur famille. »
Pourtant les DYS ont des dons exceptionnels
Ce sont des personnes qui ont une capacité de travail hors norme. L’habitude est prise dès l’enfance puisque l’enfant DYS doit étudier 4 fois plus pour arriver à un résultat acceptable. Cette habitude ne va pas les lâcher même à l’âge adulte. C’est ainsi qu’Émelyne, outre la poursuite de ses études de media, a créé une entreprise de communication et s’investit dans la vie associative. Autre richesse, leur créativité, puisqu’il faut en permanence résoudre les problèmes, inventer des astuces pour faciliter l’apprentissage. Les DYS créent des méthodes, des solutions souvent très perspicaces pour atteindre des résultats ou contourner des difficultés. Ces qualités peuvent les rendre très attractifs dans certains secteurs d’activité : la communication dans le cas d’Émelyne, la création de jeux vidéo où ils excellent, la publicité, l’innovation, etc. Les DYS vont également développer une imagination très fertile liée au fait qu’ils ont une pensée en images. Ils ont une facilité pour inventer des histoires, créer des films.
Son combat à travers l’association L’O-DYS-SEE
Portée par son audace et le soutien de sa mère, Émelyne a souhaité partager son expérience en créant une association, L’O-DYS-SEE¹. Un beau nom qui dit tout, le retour du héros après un voyage périlleux, semé d’embûches mais rentré victorieux, renforcé. Son but : faire comprendre à quel point la dyslexie peut être un don et un avantage au niveau de l’embauche. L’équipe intervient sous forme de séminaires dans des écoles privées et des entreprises. Pour l’école, Émelyne espère trouver des nouveaux moyens d’apprentissage, de nouvelles pédagogies qui profiteront aux DYS, mais aussi à l’ensemble des enfants, afin d’harmoniser les méthodes : une seule et unique façon d’apprendre, plus de discrimination ni de stigmatisation. Un exemple : les cartes mentales² (mind map), utilisées par les DYS pour apprendre à apprendre, pourraient être utilisées plus largement pour tous les enfants. Tous les cerveaux fonctionnent par arborescence, nous dit-elle.
La plupart d’entre nous ignorent qu’Albert Einstein a été diagnostiqué dyslexique. La preuve que si les capacités ne sont pas détruites par la perte d’estime de soi face aux échecs scolaires et aux jugements de l’entourage, elles peuvent s’épanouir sans limite !
Michèle Robach
¹L’O-DYS-SEE – contact : emybmpro@gmail.com
²Une sorte de schéma explicatif avec en son centre un sujet, duquel partent des sous-sujets sous forme d’arborescence.