Marie-Rose Moro, thérapeute de la différence 

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Après des études de médecine et de philosophie, Marie-Rose entame un double cursus de psychiatrie et d’anthropologie. Intéressée par les enfants et les adolescents, elle se spécialise en ethnopsychiatrie, une passion née de son parcours d’enfant émigrée, pour intégrer l’aspect transculturel de chaque famille et guérir le mal-être de l’enfant.

Personne n’est de nulle part

Sa propre enfance a laissé son empreinte. Née en Castille, dans une Espagne franquiste, la famille fuit pour que les enfants aient accès au savoir, son père ayant appris à écrire en lisant la Bible. Dans les Ardennes, elle grandit dans un village où de nombreux migrants sont installés, une communauté espagnole, des Polonais, des Maghrébins et, comme ainée, elle sert d’interprète, avec l’obligation d’être toujours la première en classe. « Ta langue n’est pas ton habit mais plutôt ta peau ! » disait Freud. Elle quitte alors son prénom de Maria del Rosario, poussée par son instituteur qui lui prédisait un grand avenir et devient Marie-Rose.

Les différences sont une force

Pionnière de la consultation transculturelle pour les enfants de migrants, devenue docteur en médecine, ses travaux concernent les adolescents, leurs forces, leurs vulnérabilités, les métissages et le bilinguisme. Ses recherches l’ont menée à théoriser les besoins de ces enfants mais aussi leur créativité. Elle monte une unité de soin transculturel pour les familles migrantes de seconde génération à l’hôpital Avicenne et s’intéresse au rôle de l’école, mène des recherches sur les bébés, les enfants de couples mixtes, enfants bilingues, enfants adoptés ou enfants expatriés.

De l’idée à la réalisation d’un projet

« J’ai l’idée en arrivant à Paris d’inventer une manière de travailler avec les migrants et leurs enfants mais j’ai découvert que l’ethnopsychiatrie existait déjà. Difficile pour eux d’exprimer leur mal-être avec des mots. J’ai donc instauré des protocoles pour les enfants, les bébés, les parents, les mineurs isolés, les enfants adoptés, les adolescents radicalisés. Je travaille avec des traducteurs, des médiateurs, des anthropologues, en prenant en compte leur histoire dans les situations postcoloniales. » Tristesse, difficultés d’apprentissage, souffrances identitaires, traditions culturelles ou religieuses, les familles d’Afrique de l’Ouest, par exemple, ne sont pas à l’aise avec la relation individuelle, l’entretien à deux leur semble violent, habituées aux relations en groupe pour solutionner les problèmes.

« La diversité, la pluralité et les métissages ont fait évoluer mes connaissances, après le Maghreb, nous travaillons avec l’Afrique Centrale, le Sri Lanka, la Tchétchénie, l’Inde, l’Afghanistan, le Pakistan, l‘Amérique latine, d’où de nombreuses formations pour apprendre à mieux connaître ces communautés. »

Farid, un jeune Marocain, né après cinq filles, aime dessiner et s’est très tôt intéressé à la mode. Traversant un moment dépressif, l’école le dirige vers des filières de mécanique auto, lui qui rêvait de devenir styliste. Arrivé à la consultation transculturelle, elle associe la famille qui accuse le mauvais œil, pour contester cette orientation et Farid retrouve la voie générale et une école de stylisme. Plusieurs fois par an, il envoie à Marie-Rose de très belles robes pour la remercier de l’avoir aidé à ne pas renoncer à ses rêves !

Souvent injuste, le constat est fait qu’on n’imagine jamais les mêmes possibilités pour les enfants de migrants, une position qui fait encore réfléchir aujourd’hui.

Vicky Sommet

« Guide de psychothérapie transculturelle – Soigner les enfants et les adolescents » de Marie-Rose Moro (Collection Hospitalité, 2020)

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