Une famille bourgeoise de Pékin avec neuf enfants, un père dans le commerce et une maman qui ne sait lire ni écrire comme dans toutes les familles riches du pays. Nous sommes en 1949 et la Révolution nationaliste bat son plein. La petite Huilin vivra toute sa jeunesse sous la révolution…
Une nouvelle ère
L’État s’accapare toutes les richesses du peuple et Huilin nait dans une famille devenue pauvre. Sa maman coupe le bas de sa robe pour faire des vêtements, mais ils vivent toujours dans la grande maison familiale, témoin de leur richesse passée. Malgré la présence des communistes, l’heure n’est pas à une révolte politique comme en 1911. Le gouvernement donne une petite bourse pour vivre et sa maman vend ses vases anciens pour nourrir ses enfants.
« J’avais toujours faim car j’ai grandi vite et j’allais manger chez les voisins. L’école était obligatoire pour apprendre les lettres puis la calligraphie au pinceau. Encore au lycée, la révolution culturelle de 68 a éclaté ».
Le travail pour tous
On se cachait dans les maisons pour ne pas être dénoncé : « J’ai compris que je vivais dans une famille riche quand ils sont venus chez nous pour tout casser. Les jeunes sont partis à la campagne pour travailler et moi j’étais contente de le faire plutôt que de vivre pauvre en ville. J’ai pris le train sans bagage avec l’envie de tout changer. On est monté dans un camion pour aller construire des chemins parce qu’il n’y en avait pas. Chacun avait un bol pour manger ou se laver le visage, on dormait dans la rue mais on était bien ensemble. Les chefs avaient mis en place des groupes de vingt-cinq personnes car nous étions très nombreux, plus de 300 000 jeunes ! ».
Retour forcé
Obligés de prendre des vacances, les jeunes reviennent en ville pour acheter du savon, des crèmes pour les mains, des chaussures, de la vaseline pour soigner les blessures, dix ans de travail forcé, un kilomètre à construire chaque jour et des réunions pour sanctionner, féliciter ou écouter les dénonciations. « Jusqu’à ce qu’on s’aperçoive que les parents avaient vieilli et qu’il fallait ramener la jeunesse en ville. Sans argent pour acheter un billet, je me suis retrouvée seule dans le camp avec la peur au ventre, car les loups rôdaient la nuit. Enfin de retour à Pékin, j’ai travaillé à l’usine de charbon, puis j’ai appris le dessin pour devenir ingénieur et fonctionnaire jusqu’à ce que surviennent la révolution étudiante et les évènements de la Place Tian’anmen ». Huilin a dû quitter la Chine pour ne pas être arrêtée après avoir donné de l’eau aux étudiants et c’est grâce à l’aide d’une professeure française de l’université, qui devait quitter le pays comme tous les étrangers, qu’elle a pu fuir.
Aujourd’hui Huillin vit sa vie d’adulte dans un pays démocratique, la France, une coupe de champagne à la main, puisqu’elle a choisi Epernay pour retrouver paix et sérénité. Elle a travaillé dans les vêtements de soie importés de Chine, puis dans un restaurant chinois et elle a conservé de son passé un vase vieux de quatre cents ans. Pour ne pas oublier… Sa vie ferait un grand livre ! Son compagnon va s’y atteler.
Vicky Sommet
Le récit de la vie d’Hui Lin est sorti en janvier 2019 : Génération Mao de Claude Lévêque (Edilivre)