Time, le célèbre magazine américain vient d’élire le personnel de santé qui lutte contre Ebola « Personne de l’année 2014 ». Bel hommage à ces nouveaux héros contemporains. Derrière ces masques et ces blouses, des hommes mais aussi de nombreuses femmes courageuses et engagées qui œuvrent sur tous les fronts d’un monde en souffrance.
Irak, Syrie, République Démocratique du Congo, Sierra Leone, Liberia, Guinée… les conflits, les épidémies, les famines et les catastrophes naturelles aux quatre coins du monde engendrent l’intervention de nombreuses ONG, d’associations humanitaires. Sur tous ces sites, les femmes sont de plus en plus présentes même si, comme n’importe quel autre secteur d’activité, la parité n’est pas toujours au rendez-vous, sur le terrain comme dans les hautes instances (29.7%).
Historique de l’humanitaire féminin moderne
Le mouvement humanitaire d’urgence moderne a connu un vrai développement lors de la création de la Croix Rouge Française par Henry Dunant en 1863. Avec la première guerre mondiale naquirent de nouvelles associations suivies par l’ONU en 1945. L’arrivée de femmes infirmières changea le visage de missions jusqu’à présent souvent assurées par des religieuses. La création du diplôme d’État d’infirmière (1922), la création des conductrices ambulancières (1939) et la création des infirmières pilotes secouristes de l’air (1934) leur attribuèrent une vraie légitimité et en conséquence une plus grande visibilité.
Pas facile pour ces pionnières de s’imposer dans cet univers masculin « pétri de valeurs guerrières et de culture virile ». Souvenez-vous de ces french-doctors, manches retroussées, sac de riz sur l’épaule dans les années 70 ! Les années 80/90 avec la professionnalisation du secteur et la raréfaction des ressources humaines firent bouger les lignes. Aujourd’hui, lorsque l’on observe les formations qui préparent aux différents métiers du secteur de l’humanitaire (logistique, soins, administration), les femmes y sont majoritaires.
Constat
Les stéréotypes ont cependant la vie dure… Au-delà de la dureté des conditions de vie, d’hygiène, du contexte violent, l’idée d’une vie consacrée à l’humanitaire d’urgence est toujours considérée peu compatible avec maternité et vie familiale. Les roles models, celles qui concilient vie perso et vie professionnelle ne sont pas légions et l’humanitaire serait le secteur dans lequel il existe le pourcentage le plus élevé de femmes sans enfant. Cette vision réductrice de la femme est en train de disparaître avec l’arrivée de la nouvelle génération.
Aujourd’hui, pour des raisons culturelles, religieuses, les acteurs féminins dans des contextes de secours d’urgence « se sont révélées indispensables pour ce qui est de bâtir des ponts plutôt que des murs »*. En effet, dans certains pays, seuls la présence et le contact avec une femme sont possibles et sont de véritables atouts car, constat amer : dans les conflits et drames actuels, ce sont les femmes civiles qui sont les premières victimes et qui payent un lourd tribut.
– Au Liberia, en Guinée et en Sierra Leone, 55 à 60 % des victimes décédées de l’épidémie Ebola sont des femmes « Ce sont elles qui soignent les membres de leur famille quand ils tombent malades. De plus, elles circulent entre la Guinée et la Sierra Leone pour vendre sur les marchés leurs produits. Et quand quelqu’un meurt, ce sont les femmes qui préparent l’enterrement, font la toilette mortuaire… ».)
–En République Démocratique du Congo, le viol est devenu une arme de guerre. Le docteur Denis Mukwege entouré de personnel féminin dans son Hôpital de Panzi a accueilli et opéré plus de 40 000 femmes violées et mutilées.
–En Syrie, les femmes à leur tour prennent les armes comme à Kobané et sont aussi victimes de violences sexuelles.
La parité dans le milieu humanitaire devrait être donc bientôt un non-sujet. Les organismes sensibilisés ont des objectifs (1/3 des délégués au sein du CICR sont des femmes). Mixité, expertise sont nécessaires pour apporter des réponses appropriées et efficaces. L’engagement étant le même pour tous : sauver des vies, aider les autres.
Christine Fleurot
*Ban-Ki Moon secrétaire général ONU