C’est elle qui le dit, elle exerce le plus vieux métier du monde. Ne vous y méprenez pas, nous parlons d’écrivain public. « Celui qui par profession écrit des lettres, des pétitions… pour ceux qui ne savent pas écrire », le Robert dixit. Le métier que l’on croyait en voie de disparition revient en force à une époque où nombreux sont ceux qui ne maîtrisent pas la langue.
Goût pour l’écriture, capacité d’écoute et envie de servir. Marie-Caroline, Mid dynamique, mère de quatre garçons a toujours mené de front plusieurs vies : professionnelle, de bénévole, privée avec la même envie d’aider les autres et de témoigner. Il y a quatre ans, au moment où les enfants quittent le nid et où le chemin de nos vies n’est pas toujours tracé, elle renoue avec ses premières amours et retrace, comme l’écrit si bien Sénèque, le sens de sa vie en lui donnant à la fois une direction et une signification. « J’ai entendu un jour, à la radio, l’expression « écrivain public » et cela a fait tilt immédiatement ».
« Du plus loin que ma mémoire remonte, mon attirance pour l’écrit, les écrits, l’écriture, s’inscrit en filigrane dans ma vie : longues lettres d’adolescente, études de graphologie, articles dans une revue axée sur les sciences humaines, emploi orienté vers l’écrit et point d’orgue avec l’inscription dans la licence professionnelle d’écrivain public de la Sorbonne Nouvelle ».
L’écriture, le service des autres, la dimension sociale et le plaisir intellectuel associé au challenge de reprendre des études à 55 ans la pousse à ne pas emprunter le chemin le plus simple. Aucun diplôme n’est nécessaire pour exercer ce métier mais Marie-Caroline postule à la licence professionnelle de la Sorbonne Nouvelle afin d’obtenir le diplôme d’écrivain public-conseil en écriture professionnelle et privée. Rien ne saurait l’arrêter et malgré un rejet de sa première demande, elle s’obstine et passe la sélection. Et c’est parti pour une année de droit, de rhétorique, de linguistique, de psychologie sociale et… du concret, beaucoup de concret : des récits de vie, des ateliers d’écriture et des stages obligatoires. Une vraie formation qui mélange des participants de tous horizons, milieux, âges avec tous les mêmes désirs, écrire et servir.
« Regarder c’est sauvegarder ». Son stage, Marie-Caroline l’a voulu à l’opposé de sa vie professionnelle même si on y retrouve un fil conducteur : de la conservation du patrimoine à la sauvegarde de l’individu. Employée par une association de défense du patrimoine au cœur du très chic 8e arrondissement parisien, côtoyant les châteaux et les beaux livres sur les trésors architecturaux du monde entier, elle fait le choix d’un tout autre environnement dans le cadre de ses études.
« À Versailles, une vieille maison de crépi gris de pollution donnant sur un boulevard très passant, là où pas grand monde n’a envie d’habiter abrite une association d’accueil de SDF, SOS accueil. Le pas de la porte franchi, le dépaysement est assuré et là c’est au pays de la misère qu’on part en voyage. On ne ressort pas indemne de ce voyage là. J’ai fait le choix de plonger dans la précarité, car j’avais besoin d’être aux côtés de ceux qui n’ont rien et de faire l’expérience de rapports humains, un peu rudes, désencombrés d’artifices pour me confronter à moi-même et aux autres ».
Marie-Caroline crée le besoin de ses services auprès des sans-domicile qui fréquentent l’association. Son idée : recréer du lien autour d’eux par l’écriture en leur proposant d’écrire des cartes à leur famille, leurs enfants, leurs anciennes relations avec lesquels, ils n’ont bien souvent plus aucun contact. « Il faut trouver des mots simples, rédiger ensemble sur une belle carte avec un beau timbre et ce sont eux qui signent ». Pour elle, l’écrivain public est un restaurateur d’identité. « En regardant vraiment les gens de la rue, on les sauvegarde un peu ». La boucle est bouclée.
L’avenir ? Il est forcément dans l’action et la diversification. Quand elle pourra consacrer plus d’une journée par semaine à sa passion, Marie-Caroline s’imagine bien écrivain public en prison, mais elle a aussi très envie de faire des récits de vie, pour garder le lien entre les générations et aussi animer des ateliers d’écriture. L’idée a également germé de créer des lieux, pôles de compétences regroupant écrivain public, médiatrice, avocate… Écouter, servir, écrire, toujours.
Agnès Brunel-Averseng
CIDJ Écrivain public
Médiation culturelle Sorbonne